Maite : mon travail à la prison
Conseillère Pénitentiaire d’Insertion et de Probation au centre de détention de Papeari TATUTU, Maite MOROU exerce un métier peu connu du grand public. Miss Tahaa 2001, cette ancienne dauphine de miss Tahiti 2004 a grandi dans la pension de famille « Hibiscus » de ses parents, entourée de beauté. Aujourd’hui, elle travaille en milieu fermé et côtoie des détenus emprisonnés pour des peines longues. Femmes de Polynésie a rencontré cette jeune femme de 34 ans pleine de positivité, passionnée par son métier et évoluant dans un monde pénitentiaire sous haute tension.
« Je n’ai pas eu du tout peur »
Avant d’arriver dans l’univers carcéral, Maite travaille dans l’hôtellerie, obtient sa Licence Sciences de l’Éducation et enseigne pendant cinq ans en tant qu’institutrice spécialisée au collège Pomare et à l’école maternelle Maheanuu. En 2015, elle décide de passer le concours national de conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation qu’elle obtient.
Ils sont huit polynésiens à avoir réussi ce concours, huit polynésiens à partir en France avec la promotion des deux cents polynésiens de surveillants pénitentiaires. Après une année de formation à Agen à l’École Nationale d’Administration Pénitentiaire (ENAP) et une année de stage au centre pénitentiaire de Faa’a- Nuutania, Maite intègre le centre de détention de Papeari en mai 2017
« J’ai fait mes stages à la prison de Bordeaux Gradignan en milieu ouvert et en milieu fermé. J’ai dû réviser le droit pénal, me former en criminologie, en psychologie, en self défense… Mais surtout, le plus dur, laisser mes deux filles, Teanaiva qui avait 8 ans et Kahaia 5 ans à l’époque, loin avec leur père. »
Maite reconnaît que son métier n’est « pas facile », mais ajoute : « j’avais envie de connaître ce monde. »
« Notre mission principale : la lutte contre la récidive »
Maintenir les liens familiaux, lutter contre la désocialisation et surtout contre la récidive, telles sont les missions de Maite au quotidien, ainsi que celles des trois autres femmes et des deux autres hommes qui exercent le métier de Conseiller Pénitentiaire d’Insertion et de Probation au centre de détention de Papeari.
« On travaille en équipe pluridisciplinaire, avec les surveillants, les gradés, les psychologues, les psychiatres, les directeurs, le juge d’application des peines. »
Chaque jour, Maite va voir les détenus, les suit, les évalue, observe leur implication, voit s’ils sont prêts à sortir ou pas, écrit des rapports et informe le juge de leur évolution. Jour après jour, elle tente de rétablir le lien entre les personnes incarcérées et la société.
« Chaque cas est unique, l’accompagnement n’est pas le même. Tous les jours tu apprends des choses. C’est riche, c’est vraiment riche. »
Des activités sont proposées aux détenus telles que le yoga, le sport, la musique… Une grande bibliothèque est à leur disposition également. Certains reprennent les études et sont suivis par des instituteurs/professeurs spécialisés.
« Il y en a qui obtiennent des diplômes en prison. Il y en a un qui a eu sa capacité en Droit, et donc la possibilité de continuer ses études. »
Des formations, avec le Service de l’Emploi de la Formation et de l’Insertion professionnelle (SEFI), le Centre de Formation Professionnelle pour Adultes (CFPA), l’Association pour l’Education Cognitive et le Développement (AECD), sont organisées pour les préparer à la sortie. Un travail avec l’Office Polynésien de l’Habitat est réalisé afin qu’ils puissent trouver un logement. L’objectif étant d’éviter les « sorties sèches », pour éviter que les détenus ne replongent dans une spirale infernale.
« C’est énorme, tellement passionnant et les résultats sont tellement beaux. Il y en a un qui est sorti il n’y a pas longtemps, il a été embauché dans une entreprise ici à Tahiti. »
« C’est un métier qui demande de l’écoute, de l’empathie »
« Il faut être bien dans sa tête, équilibré. Faire face à la privation de la liberté, ce n’est pas évident. »
Avant tout, Maite précise qu’il est important de dégager de la positivité et aller vers les gens : « il faut bien s’occuper de ces personnes, même le plus petit. Certains ne parlent pas bien français, il faut s’adapter. »
Soumise au secret professionnel, elle a un devoir de réserve, une image à donner. Pour décompresser, Maite fait beaucoup de sport, de la musculation, car elle en a besoin.
« Du sport, une alimentation saine et équilibrée, être bien entourée par sa famille et ses amis, c’est capital. »
De grandes capacités d’écoute, un bon équilibre mental, du courage, la joie de vivre et l’envie d’aider son prochain… Telles sont les qualités que doivent posséder les Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation. Même si nous n’avons pas les mêmes armes un fois arrivés à l’âge adulte, Maite en est persuadée : « Pour réussir, quand on veut on peut. On peut tous avoir une deuxième chance ! »
Tehina de la Motte
Rédactrice web
© Photos : Femmes de Polynésie