Tahara, histoire de « la p’tite cabine »
Terminées les heures à chercher un vêtement à se mettre pour un mariage, un événement ou une soirée à thème ! Dans une ambiance cosy en marge de la capitale, « La p’tite cabine » est un dressing collaboratif qui vous offre un choix impressionnant de styles et de couleurs de vêtements à des prix défiant toute concurrence. Femmes de Polynésie. vous raconte l’histoire de sa gérante, Tahara, 29 ans, une juriste de formation devenue son propre patron.
Shopping addict
Tahara’ura, qui signifie « coucher de soleil flamboyant », est originaire des Raromatai (1). Née à Tahiti, elle quittera le rivage polynésien pour celui de la Métropole. Son père, Lyonnais, exerçait à Moruroa et a préféré effectuer la navette entre la métropole et l’atoll seul. Ils mettront 10 ans à refouler le sol de Tahiti. Tahara retraversera l’Océan Pacifique pour les études, d’abord en seconde, puis pour sa première année de thèse en droit.
Mais Tahara est avant tout une véritable shopping addict. Fan de chaussures, de fringues et de bijoux, elle ne quitte pas ses talons.
« A ce jour je ne dispose que de 3 paires de chaussures plates, mes tennis, mes savates et mes crocs, tout le reste ce sont que des talons. »
A son retour au fenua, sa passion ne la quitte pas. Et puis un jour elle est invitée à un mariage. Comme souvent, un tel événement impose un dress code particulier, et en l’occurrence, c’était… mauve aubergine ! « Le début de la galère …»
« Je ne trouvais pas ce qu’il me fallait dans les boutiques. Finalement j’ai vu ma tenue la veille… dans le placard d’une amie ! »
A compter de ce jour, elle se sert chez les copines qui ont conservé une multitude d’affaires et généralement qu’elles ne portent plus, pour diverses raisons.
« On ne fait plus la même taille ou on n’a plus les mêmes goûts… ça s’accumule, ça prend de la place, et puis c’est un budget. »
Perte d’emploi
Tahara travaillait pour un cabinet d’huissier qui a fermé. « Presqu’un soulagement » se dit-elle. Alors lorsqu’elle se retrouve sans emploi, cela lui a donné matière à travailler un projet qu’elle nourrit depuis quelques temps.
Elle commence par faire le point sur sa vie, savoir si ce qu’elle faisait lui plaisait. Cela n’a pas été évident pour quelqu’un qui avait fait de longues études et qui faisait la fierté de ses parents. Après un voyage avec une amie, elle décide une fois pour toutes de se lancer. Hasard du calendrier, il y a eu à la CCISM ce projet d’incubateur Prism. Le jour de l’inscription, elle a dû donner un nom à son projet.
« Et je n’en avais pas. Je me demandais ce que j’allais bien pouvoir mettre et en cherchant je me suis rappelé que 80% de l’achat d’un vêtement se passe dans la cabine d’essayage ! Je l’ai donc appelé « la P’tite cabine. »
Pendant un an, elle apprend à créer, monter, prospecter et gérer son entreprise. L’atout majeur de son idée est que personne d’autre ne l’avait eue avant elle.
« Je n’ai pas inventé la poudre, aux Etats-Unis, cela fait déjà des années que ça existe. Je me demandais si en Polynésie les gens allaient déposer leurs vêtements, puis s’ils allaient en louer ? A quel prix, sur quelle période, quel genre d’article, quel entretien, quelle phase de test ? Est-ce que je fais juste la mise en relation, ou est-ce que je prévois du stock? Il y avait plein de choses à essayer pour au final proposer la formule dressing à la maison ! »
Nouvelle vie : être son propre patron
C’est ainsi que débute l’aventure « la P’tite cabine ». Il s’agit d’une cabine d’essayage mais en plus grand. Cela ressemble à un dressing où 70% des vêtements n’ont été portés une seule fois. Beaucoup d’articles sont accessibles à des petits budgets, notamment à ceux qui n’ont pas forcément les moyens d’acheter mais qui pour un évènement, une soirée, peuvent avoir quelque chose de nouveau.
« C’est moins cher et cela va à l’encontre de la fast fashion qui favorise la surconsommation. »
Car ce qu’il faut savoir c’est que l’industrie textile est la 2ème industrie la plus polluante au monde après la pétrochimie, dont elle descend aussi avec le polyester. Le vêtement pollue du début à la fin et n’est pas recyclable. Le principe de « la P’tite cabine » est qu’elle repose sur une économie circulaire. Les gens viennent y déposer leurs articles et d’autres se servent.
« En moyenne on se lasse au bout de quatre fois, lorsque qu’on dépasse les quatre locations je me dis ça y est, il est parti hors des statistiques. Il a été plus loin que sa supposée troisième vie ! »
Tahara s’occupe personnellement des retours des vêtements, d’une part pour l’hygiène, et d’autre part parce que ce sont des matières généralement délicates. Elle se retrouve dans son élément et ne regrette rien de son choix de vie. Elle s’épanouit totalement dans cet univers.
« Ah oui, je m’éclate avec les gens que je reçois, parce que c’est une ambiance particulière, c’est cosy. C’est aussi l’idée d’oser changer de style sans forcément y mettre une fortune…On essaye, on s’amuse, on rigole !»
A ce jour elle dispose de 600 articles, et peut compter sur une quarantaine de propriétaires. Aux femmes de Polynésie qui se reconnaitront dans son aventure, elle avoue avoir essuyé de nombreuses critiques « Tant d’années d’études pour se retrouver là ! » à quoi elle répond généralement que cela lui a apporté de la méthode dans ce que qu’elle voulait entreprendre. Elle dit avoir gagné en assurance, être moins hésitante et ne plus perdre de temps.
« Le temps c’est de la vie, pas de l’argent ! Ça aurait vraiment été dommage de bazarder ma vie ! »
- Les îles sous le vent en tahitien
Jeanne Phanariotis
Rédactrice web
© Photos : Femmes de Polynésie