L’étonnante vie de Maeva Shelton
Bien connue en Polynésie pour ses livres de recettes de cuisine, peu connaissent l’histoire de la vie riche et belle de Maeva Shelton. Une histoire de beauté, mais aussi de courage, de résilience et de respect de l’autre.
Des débuts d’après-guerre
Maeva naît à Tahiti, d’un père américain et d’une mère polynésienne aux sangs mêlés d’allemand, d’anglais et de polynésien.
« Pendant la guerre, ma famille a tout perdu. »
Au cours de la deuxième guerre mondiale, sa famille se voit confisquée de tous ses biens. C’est le lot des personnes d’origine allemande résidant en Polynésie.
Après la guerre, la famille se reconstruit : c’est donc dans un monde en reconstruction que Maeva voit le jour.
Une enfance choyée
Les parents de Maeva sont séparés. Elle grandit, choyée et cajolée par maman, grand-mère, grand-tante, tante et tatie qui prennent soin d’elle.
« J’étais leur bien le plus précieux. J’ai été très aimée. »
C’est une maison de femmes, une maison où l’on cuisine. Les enfants du quartier de Fautaua se souviennent encore des parfums de pai (chaussons) aux fruits qui les attirent après l’école et des rires de ces femmes qui les voient arriver. Ils se remémorent les somptueux goûters d’anniversaire auxquels ils sont immanquablement conviés. Il faut une semaine aux femmes de la maison pour confectionner gâteaux, tartes, glaces, et pâtisseries fines pour le bonheur des invités.
Changement de vie
Après le baccalauréat, Maeva part étudier en France. Licence en poche, elle continue ses études aux USA. Elle y rencontre son futur époux, sud-américain de Colombie qui, premier de sa promotion, avait bénéficié d’une bourse d’études.
Maîtrise en poche, bague au doigt, elle vit en Colombie durant vingt-quatre ans.
Maeva se prend d’amour pour ce pays. Elle y développe une passion pour les orchidées et les bonsaïs.
« À Bogota, je perpétue la tradition familiale en offrant à mes enfants de belles fêtes d’anniversaire, préparant moi-même les gâteaux et autres délices pour ces goûters annuels. »
Elle apprend la cuisine colombienne. Les produits et recettes font partie de sa vie, comme les enfants et les fleurs.
À la recherche du soleil
Maeva se plaît de moins en moins à Bogota, où la température est très fraîche. La région de Cali lui convient mieux. Par bien des aspects, Cali lui rappelle Tahiti. Le climat y est plus tropical et la chaleur bienvenue. Elle s’y installe avec ses orchidées et bonsaïs.
« Je me trouve bien à Cali. J’ai des projets. Mes voisins sont devenus des amis, certains une seconde famille. »
Le destin frappe à la porte
Un soir, quelqu’un frappe à sa porte alors qu’elle se couche pour la nuit. Elle est seule à la maison.
« Avant même d’ouvrir, j’ai senti que ces coups sur la porte venaient chasser le bonheur. »
Elle est kidnappée par l’ELN, l’armée de libération nationale colombienne, un groupe rebelle.
Revenue à Tahiti, elle écrit l’histoire de son kidnapping et son quotidien avec les guérilleros. « Et j’ai cueilli des orchidées », un livre qui tient en haleine, même s’il se passe dans la lente, silencieuse, douloureuse, courageuse et spectatrice espérance de la délivrance.
La surprise est que ce premier livre se termine sur quinze pages de recettes de cuisine intitulées : Recettes de captivité.
La cuisine ou l’expression de la générosité
Une de ses amies d’enfance lui suggère de conforter cette tradition familiale de cuisine et de convivialité en écrivant un livre des recettes de sa famille. Ce premier recueil aura un tel succès qu’il connaîtra trois rééditions. Elle en a publié plusieurs à ce jour, dont le livre intitulé La santé dans votre assiette.
Passionnée de danse tahitienne, Maeva est une femme respectueuse de l’autre, amoureuse des fleurs et des bonsaïs, dont la passion de la cuisine est l’expression même de la générosité.
Un nouveau livre de cuisine est en voie de préparation. La minceur est dans le vent, les recettes adéquates dans l’air du temps.
Rai Chaze
Rédactrice web
© Photos : Maeva Shelton