Heipua, rendre hommage à sa culture
Des grands yeux étoilés, Heipua Kervella est à la fois ingénieure, magnifique danseuse et fière représentante de sa culture. Femmes de Polynésie a rencontré cette jeune femme dynamique à la croisée entre modernité et traditions.
Une enfance ancrée dans les îles
Heipua a passé sa petite enfance à Maupiti, l’île de sa maman, Denise Tepahauaitaipari dont est tombé amoureux son papa, Rémy Kervella, militaire français. Pour la scolarité de leurs trois enfants, la famille quitte Maupiti pour Raiatea.
« Quand je pense à Raiatea et à Maupiti, je ressens un attachement profond à la terre. Quand j’y retourne, je me retrouve face à des modes de vie différents de ceux de Tahiti et ce n’est pas toujours facile de s’adapter… »
Mais elle ajoute :
« Quelque chose en moi se réveille. L’ancrage à la terre est vraiment fort quand il vit en nous. »
Heipua part poursuivre ses études en métropole en classe préparatoire. Le déracinement est difficile mais elle s’accroche et s’habitue peu à peu à la vie urbaine. Diplômée de l’ENSIL, l’Ecole Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Limoges en Eau et Environnement et d’un Master en chimie et microbiologie de l’eau à l’Université de Limoges, elle réalise des stages en métropole, au Canada et en Polynésie où elle décroche un poste à la SEML Te Ora no Ananahi.
Préserver la nature, préserver la culture
Passionnée par les éléments, Heipua apprécie son travail où elle est au service de la préservation de l’environnement. Elle aime expliquer son métier aux élus et au public.
« L’eau et l’assainissement des eaux usées sont des sujets méconnus. On essaie d’avoir une démarche d’ouverture pour sensibiliser les plus jeunes et leur faire comprendre ce que l’eau représente pour notre société. Pour cela, on organise régulièrement des visites pédagogiques de la station d’épuration de Papeete. »
Cette transmission, Heipua la prolonge à travers l’expression de sa passion pour le ‘ori tahiti qu’elle pratique depuis son plus jeune âge.
« Malheureusement, je parle peu le tahitien. J’essaie d’apprendre mais c’est vrai que la danse, c’est une manière simple et forte d’exprimer qui je suis et ce que je vis en tant que jeune polynésienne. »
Depuis sept ans, Heipua danse pendant le Heiva de juillet, une manière pour elle de rendre hommage à sa culture, aux femmes et cette année en particulier, à une femme, sa maman.
Célébrer et rendre hommage
Le 22 mars 2018, qui est aussi le jour de la journée mondiale de l’eau, la maman d’Heipua quitte notre monde emportée par le cancer.
« Ma mère, c’est mon île, c’est ma terre. Elle m’a tellement appris. Perdre sa maman, c’est perdre une partie de soi. Si j’ai pu être là et beaucoup échanger avec elle jusqu’à son départ, je ressens encore le besoin de me connecter à elle… Le lien à la terre, la danse et la culture polynésienne m’offrent de vivre ce lien avec son amour et son esprit. »
Douce et courageuse, Heipua a accompli plusieurs hommages pour célébrer celle qui l’a tant guidée en tant que femme. Aujourd’hui, elle regarde avec émotion tous les signes, les rencontres qui font qu’elle se réapproprie son identité de femme.
« À travers cette épreuve, j’ai compris l’importance de transmettre. C’est l’âme de notre culture polynésienne… »
« Être là et savoir célébrer qui nous sommes vraiment, à travers nos chants et danses traditionnels ou à travers des gestes simples du quotidien, c’est pour moi, notre grande richesse. Ainsi, nous continuons le chemin ouvert par nos parents, nos grands-parents, nos ancêtres. »
Céline Hervé Bazin
Rédactrice web
© Photos : Heipua Kervella, Stéphane Mailion, Matareva, Ville de Papeete