Elina, l’engagement discret et authentique
Elina Taputu a été la directrice de la plus grande école maternelle de France… située à Bora Bora. C’est aussi une enfant de l’île qui a toujours respecté sa terre, en particulier l’eau avec qui elle a tissé un lien très particulier. Femmes de Polynésie vous invite à découvrir d’une femme remplie de compassion et de sensibilité.
Une enfance heureuse à Bora Bora
C’est un de ces matins pluvieux où tout semble marcher au ralenti sous le poids de l’eau qui tombe en abondance. L’école maternelle est vide de ses élèves où se peignent de violet tendre les piliers de l’école. Elina est timide, angoissée à l’idée de se livrer, elle qui a l’habitude de travailler au service des autres. Peu à peu, Elina s’ouvre. Tout en douceur, elle se plonge dans les souvenirs de son enfance avec tendresse, courage et sensibilité, dévoilant l’écrin de sa personnalité généreuse, profondément attachée à cette eau qu’elle aime et qu’elle transmet autour d’elle.
Elina a grandi à Bora-Bora. Son père était pêcheur et sa mère gérait la pension de famille. Tous les enfants participaient aux tâches de l’entreprise familiale et Elina partait souvent vendre le poisson que son père rapportait. Elle s’amusait avec son frère même si elle se souvient se cacher dès qu’il approchait de la maison d’un copain d’école.
« Pas question que les copains me voient avec les poissons où ils se seraient moqués le lendemain à la récréation. »
Elle s’enfonçait entre les odeurs fortes et les écailles espérant qu’on ne l’apercevrait pas. De retour à la maison, elle se lavait à la mer avant de se laver utilisant peu de l’eau douce et rare de la maison.
L’eau, une ressource précieuse au quotidien
Elina regarde le monde autour d’elle avec une compassion sincère, elle s’est rendue compte en grandissant que son enfance n’était pas ordinaire, qu’elle travaillait beaucoup mais pour elle, elle n’en a jamais souffert. Elle devait aller chercher l’eau tous les matins, dans le trou construit par son père. Il faisait en sorte que le trou soit à hauteur d’enfants pour son frère et elle, remonte des seaux remplis de l’eau précieuse. Elle se rappelle des cycles où l’eau était plus rare et où il fallait faire attention. Toute son enfance, Elina a bu l’eau de Bora sans jamais être malade… Elle s’est toujours sentie protégée par l’eau de son île. Inconsciemment, la petite fille qu’elle était, a cultivé ce lien particulier avec cette eau qui l’entourait, qui était précieuse et omniprésente.
Aujourd’hui, Elina transmet cette valeur de l’eau à son entourage. Elle est très fière que son fils Tapu travaille dans une entreprise qui gère le service d’eau. À l’école, elle essaie de sensibiliser les enfants, mais surtout, les enseignants, à ce rapport à l’eau. Elle se félicite que l’eau soit désormais accessible grâce aux nouvelles infrastructures.
« Je serai la dernière à me plaindre du prix de l’eau. Quand on a vécu ce que j’ai vécu, c’est le prix à payer pour le confort… Mais parfois, je me demande ce qu’on peut faire de mieux, comment trouver des solutions pour mieux la gérer. »
Par exemple, Elina aimerait que l’on sépare l’eau potable de l’eau utilisée pour les toilettes ou trouver des solutions pour diminuer le coût des services de gestion de l’eau… Surtout, « de tout faire pour garder un équilibre, d’être mesuré dans nos usages de l’eau ».
Un rêve ? Préserver « les sensations de l’eau »
Son rêve est celui de l’enfant qu’elle était, « que nos enfants puissent se plonger dans l’eau sans se soucier de sa qualité, qu’ils profitent de l’eau douce… Et faire en sorte que ce rêve, ces sensations d’enfants soient transmises aux générations futures pour qu’elles aussi, connaissent l’authenticité de notre île. »
Céline Hervé Bazin
Rédactrice web
© Photo de couverture : Céline Hervé Bazin