Lahiki : donner de la lumière
Nous sommes à Moorea. Femmes de Polynésie entre sous l’imposant dôme en forme de coquillage qui coiffe l’écomusée Te Fare Natura. Derrière les aquariums, le Naturascope. Le climatiseur y diffuse un air frais. Contraste avec la chaleur que dégage Lahiki, celle de son cœur, celle de sa lumière. Sa mission, c’est donner. Encore et encore…
LAHIKI
Souriante, belle, extravertie, chaleureuse : tout cela réunit en une seule personne, et perceptible dès la première entrevue. Pour mieux appuyer ses paroles, ses bras impriment un mouvement rempli d’énergie et d’élégance à la fois.
« Le but de ma vie, c’est d’aider les autres. »
Au Fare Natura, Lahiki est comme une seconde maman pour les jeunes du service civique1. En formation pour dix mois, ils apprennent la médiation scientifique et culturelle, l’accueil touristique, la vente, la culture de la terre et la biodiversité.
TENDRE LA MAIN
« Je suis allée ramasser les jeunes du quartier. »
Au bord de la route, munie de son ordinateur portable et d’une solide motivation, Lahiki leur parle du musée. Face à elle, des jeunes en décrochage scolaire, avec un avenir brouillé devant eux. Lahiki leur tend une perche pour rendre leur vie plus lumineuse. Elle partage sa propre histoire, car étant jeune, elle-même n’avait pas la possibilité de réaliser ses rêves.
« On peut se donner les moyens, il suffit juste d’y croire. »
Elle leur dit que le temps qu’ils consacrent à être fiu, c’est du temps perdu en bonheur. Qu’il faut s’investir dans sa réussite. Ne pas rester à côté de ses projets. Alors elle les aide à rédiger CV et lettre de motivation.
BénévolE EN ASSOCIATION
Les jeunes, ils ont toujours été sa priorité. À 19 ans, Lahiki s’engage dans l’association Arii Heiva Rau2 comme secrétaire générale et œuvre dans les quartiers prioritaires de Papetoai. L’association organise soutien scolaire et animations pour les internes des lycées de Tahiti et Moorea. Pour des adolescents séparés de leurs familles par des centaines de kilomètres d’océan.
« C‘est gratifiant pour moi d’aider ! »
Pourquoi un tel dévouement ?
Parce que…
« Ça me fait plaisir d’accueillir. »
Car la Polynésie, c’est l’accueil, la joie, le partage. Des valeurs importantes de sa culture.
Parce que…
« C’est parti des regroupements chrétiens de mon enfance. »
Car sa maman est diacre à l’église protestante de Papetoai, où la culture polynésienne est mise en avant.
Parce que…
« Je suis née pour ça, aider, aider, aider ! »
UN MéTIER à LA RENCONTRE DES JEUNES
Lahiki doit subvenir tôt aux besoins de sa famille. Ils sont cinq enfants, et son papa décède prématurément. Elle interrompt ses études en économie et gestion à l’université, et devient secrétaire de direction à l’EPEFPA3.
« Tout est en lien. »
Car au lycée agricole, les jeunes sont là aussi. Dans leurs bagages, des parcours compliqués. Plusieurs sont en échec scolaire, ou placés par la justice. Lahiki répond présent. Elle les aide administrativement et socialement, elle leur donne de sa lumière.
L’HISTOIRE D’OPUNOHU
Après deux ans à l’EPEFPA, Lahiki devient comptable au Brando Tetiaroa. Elle y rencontre l’association écologique Te Mana O Te Mana4, avec laquelle le musée Te Fare Natura collabore aujourd’hui. Encore un lien…
Début 2021, Lahiki arrive au musée. La vision sociale du directeur Olivier Pôté l’enchante, puisqu’il s’agit de la réinsertion professionnelle des jeunes. Sa place est évidente : à l’accueil. Lahiki se sent fière, honorée même, de dévoiler aux visiteurs son patrimoine culturel et l’histoire de sa vallée.
« J’aime l’histoire, les histoires. »
Car une fois de plus, tout est lié. Sur le site même du musée habitait son père dans sa jeunesse. Et avant lui, la vallée d’Opunohu est celle de ses ancêtres. Lahiki se sent entièrement à sa place ici.
ACCUEILLIR AU MUSéE TE FARE NATURA
Grâce au travail d’équipe, Lahiki voit les yeux des engagés pétiller. Ils retrouvent l’espoir, un sens à leur vie.
Les jeunes du Fare Natura, elle leur donne des ailes. Elle songe à l’un d’eux, tenté par l’armée après son service civique. Pour Lahiki, c’est un choix quand plus aucun autre n’existe. Elle respecte la vision de chacun, mais informe pour ouvrir l’esprit. Ce jeune-là, elle sent qu’il a déjà gagné une aile en venant travailler au musée. Il ne lui en manque plus qu’une deuxième pour s’envoler !
« Il faut se révéler, trouver son don, sa place. »
Découvrir sa lumière. Lahiki l’a trouvée.
2 « Prince des jeux divers » : Association pour faciliter l’insertion des jeunes au moyen d’animations, de formations, d’encadrements et d’aides diverses
3 Etablissement public d’enseignement et de formation professionnelle agricole
4 Association qui œuvre pour la sauvegarde du monde marin polynésien, en particulier des tortues marines et des cétacés
Doris Ramseyer
Rédactrice
©Photos : Doris Ramseyer pour Femmes de Polynésie