Temaeva Bonno, l’humanité brute à la tête des services de la commune de Nuku Hiva
Originaire de Hatiheu, directrice des services de la commune de Nuku Hiva depuis 2016, Temaeva Bonno raconte à Femmes de Polynésie son parcours depuis qu’elle est revenue de ses études à l’étranger, a pris son premier poste à la mairie et a participé à l’intégration des agents dans la fonction publique communale ainsi qu’à la mise en place des projets de développement pour son île. À l’époque, c’était une première en Polynésie.
VIVRE SINCÈREMENT SON IDENTITÉ
Il est dit que la première étape pour devenir un leader est d’être juste avec soi-même, et c’est précisément ce qui incite Temaeva Bonno à partager son combat, grâce auquel elle est reconnue pour ce qu’elle est.
« Je suis une femme dans un corps d’homme. On m’a mis des bâtons dans les roues vis à vis de ma place dans la société. Tout cela m’a rendu plus forte. »
Elle entame une transition à l’âge de 19 ans, alors qu’elle commence à peine ses études en management.
UN PARCOURS RICHE EN ENSEIGNEMENTS
Après l’obtention de son baccalauréat en hôtellerie, elle part en stage aux États-Unis, puis à Melbourne poursuivre des études de tourisme et de management. Elle y reste trois ans.
« En revenant à Nuku Hiva, j’ai redécouvert mon île. Les Marquises, c’est ma maison. Il n’y a pas d’autre mot. »
En 2002, Temaeva regagne le fenua pour s’y installer définitivement. Elle commence à donner des cours d’informatique, d’anglais et de bureautique pour la CCISM.
«Je donnais des cours et je vendais des plats et des firi firi au marché avec ma mère. Le maire est venu me voir parce qu’il avait besoin de quelqu’un. C’est comme ça que j’y suis entrée. »
SA PREMIÈRE FONCTION, CHARGÉE DE MISSION
En 2003, les communes étaient déjà compétentes en matière de traitement de déchets et de gestion de l’eau potable, mais les projets restent, à Nuku Hiva, encore expérimentaux.
« Je m’occupais à la fois des dossiers d’investissement communaux et en même temps, de toute la partie protocole et organisation d’événements. En 2003, nous avons lancé la potabilisation de l’eau dans les vallées. Puis en 2011, nous avons poursuivi par les projets d’installation des compteurs d’eau. Pour les déchets, suite au Plan général d’aménagement, la construction des points d’apports volontaires et celle de la déchetterie ont été lancées. »
Nuku-Hiva a fait partie des premières îles de Polynésie française à voir l’installation des compteurs dans les vallées dans le but d’optimiser la gestion de l’eau.
« C’était vraiment le moyen d’identifier les fuites, de les réparer, mais également de dire à la population qu’il était temps de mieux maîtriser leur consommation. Aujourd’hui, c’est rentré dans les mœurs. Nous avons fait beaucoup de campagnes de sensibilisation. »
PREMIÈRES INTÉGRATIONS DANS LA FONCTION PUBLIQUE COMMUNALE
Si l’ordonnance annonçant la création de la fonction publique communale a été publiée en 2005, ses arrêtés d’application, eux, ne sont entrés en vigueur qu’en 2012.
« En 2010, j’ai été nommée DRH et continuais à être en charge des dossiers d’investissement. La priorité, alors, c’était la création de la fonction publique communale. »
Le processus d’intégration passe par un reclassement de l’ensemble des agents communaux. Temaeva participe alors aux groupes de travail avec le Haut-commissariat et le CGF1, pour la rédaction des arrêtés d’application.
« En Polynésie, Nuku Hiva a été la première commune à intégrer ses agents dans la fonction publique communale. Le processus a été assez long. Il a fallu reprendre les fiches postes de tous les agents, une quarantaine à l’époque. Puis, il a fallu organiser des commissions parce que je voulais que cela soit un travail fait par les élus et l’agent. Il fallait aussi défendre les dossiers auprès de la commission du personnel et du conseil municipal puisque cette intégration avait un coût sur le budget de fonctionnement communal et leur faire comprendre les avantages sur le long terme. En parallèle, il fallait proposer l’équivalent de leur statut dans la fonction publique communale à chaque agent éligible. »
Si le parcours scolaire de Temaeva n’a rien à voir avec l’administration, son expérience en management et en gestion de projets accrédite ses responsabilités.
« Je découvrais un nouveau monde, il fallait partir de zéro… C’était exaltant, même si parfois ce n’était pas facile. Je pense que le processus d’intégration chez nous a été une réussite, 90 % des agents ont été concernés, grâce à un travail mené auprès de chaque agent, mais également avec la commission du personnel et le conseil municipal. »
Aujourd’hui, la fonction communale de Nuku Hiva compte 70 agents et Temaeva, nommée directrice des services de la commune en 2016, en manage les équipes.
« J’accompagne et je forme les cadres à être autonomes, à prendre les responsabilités qui incombent à leur fonction et à être force de proposition, ce qui me libère du temps pour me concentrer sur la partie stratégie politique avec les élus, c’est-à-dire sur les investissements et les orientations budgétaires, comme la potabilisation de Taihoae ou encore la construction de casiers CET2 de classe 2 (déchets ménagers) et 3 (encombrants et gros déchets). »
AGIR POUR LE BIEN DE LA COMMUNAUTÉ
Depuis maintenant 20 ans, cette vahine active et volontaire est la cheffe d’orchestre des services administratifs de la mairie de Nuku Hiva, mais ce n’est pas la seule flèche à son carquois.
« J’ai une forte personnalité et du caractère. Je pense que cela vient de mon expérience et de ma vie personnelle. J’ai cette aptitude, quand je vois un obstacle, d’essayer à tout prix de trouver la solution pour le contourner. Je ne dis pas que c’est toujours simple, mais j’y arrive toujours ! »
Pendant son temps libre, Temaeva propose des formations, notamment sur le développement personnel, la gestion des finances et l’entrepreneuriat, et n’est jamais à court d’idées de nouveaux projets.
« J’ai envie de lancer d’autres choses, notamment pour les communautés rurales qui sont totalement délaissées par cette société qui avance. »
Ainsi, d’ici quelques années, elle envisage de développer des projets agricoles, de l’aquaponie3 et même de l’hydroponie4.
« Ce sont des savoir-faire qui vont être appris et transmis aux prochaines générations. »
1 Centre de gestion et de formation
2 Centre d’enfouissement technique
3 Méthode de culture des plantes grâce à un élevage de poissons dans un même environnement
4 Consiste à faire pousser des plantes dans l’eau plutôt que dans de pousser des plantes sans terre
Portrait mis en avant par le Centre de Gestion et de Formation (CGF)
Rédactrices
©Photos : Cartouche et Temaeva Bonno pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES