Tehaurainui Tefaatau, fervente protectrice de l’île de Moorea

Publié le 1 juin 2023

Enfant de Moorea, Tehaurainui Tefaatau milite depuis quelques années au sein de plusieurs associations environnementales pour préserver les richesses naturelles de son île natale. Elle s’inquiète notamment de la multiplication des grands projets immobiliers qui dénaturent progressivement l’île. La jeune militante écologique se confie à Femmes de Polynésie pour nous faire part de ses inquiétudes ainsi que de son engagement pour un développement durable de son île.

Une militante nostalgique de Moorea d’autrefois

Tehaurainui Tefaatau est une grande amoureuse de Moorea, notamment de son patrimoine naturel et culturel. C’est dans la commune associée de Paopao qu’elle a vécu une enfance simple et heureuse auprès de son grand-père fa’a’amu. Cependant, face à la multiplication des constructions individuelles et aux projets immobiliers qui dénaturent les paysages, la jeune femme est de plus en plus nostalgique de la vie et du charme d’antan de l’île.

« Le Moorea d’aujourd’hui ne ressemble plus à celui qu’on a connu il y a 25 ans. La route était moins fréquentée. Il y avait moins de voitures et de constructions. On roulait tranquillement dans la benne de la Toyota de mon oncle. L’île était vraiment paisible. Aujourd’hui, les gens sont stressés, moins chaleureux et égoïstes. On ne retrouve plus cet aspect communautaire au sein des familles polynésiennes. Je suis vraiment nostalgique quand je vois ce qui passe de nos jours. »

Une prise de conscience grâce au COVID

Selon elle, les difficultés vécues par la population locale durant la période du Covid, notamment au niveau de l’emploi et de l’approvisionnement alimentaire, devraient nous faire réfléchir sur l’importance de la préservation de nos richesses naturelles.

« La crise sanitaire nous a clairement démontrés qu’on est totalement dépendant de l’extérieur. On n’avait plus de touristes. On rencontrait également des difficultés pour importer des aliments de l’extérieur. Les gens sont revenus vers les produits locaux en mangeant sainement. Cela nous a fait prendre conscience que l’on a dans nos mains un trésor inestimable qu’il faut absolument préserver. »

Militer contre les projets immobiliers

Au début de l’année 2021, Tehaurainui Tefaatau décide tout naturellement de rejoindre le collectif Paruru Ia Moorea. Celui-ci a été créé par son amie d’enfance Tahnee Tchen pour se mobiliser notamment contre la création d’un projet de construction de 42 villas dans le district de Paraoro à Paopao.

« Il y avait à ce moment-là beaucoup de projets immobiliers qui commençaient à fleurir sur l’île. C’étaient des projets de luxe non accessibles à la population locale et néfastes pour notre environnement. Un des promoteurs voulait construire 42 villas à Paopao avec en plus des piscines sachant qu’on a un gros manque d’eau dans cette zone. Ce n’est clairement pas du développement durable. De plus, on n’a pas demandé l’avis de la population. »

Membre active de la fédération Tāhei ‘autī ia Moorea

Après quelques mois de mobilisation, Tehaurainui rejoint la fédération Tāhei ‘autī ia Moorea qui regroupe plusieurs associations, collectifs et habitants de l’île sœur, dont A Paruru ia Moorea, afin de sensibiliser la population contre les impacts environnementaux et sociaux des projets dévastateurs.

« Nos actions sont orientées vers les besoins de la population. On n’est pas des anti-projets. On voudrait juste que les aspects environnementaux et culturels soient pris en compte dans les grands projets à Moorea. On voudrait que la population soit consultée avant tout. Nous tenons également à ce que les cérémonies traditionnelles soient au cœur de nos mobilisations car il est important que la population polynésienne soit reconnectée à sa culture. Elle doit prendre conscience de l’importance de préserver son fenua et ses valeurs comme la bienveillance, la gentillesse, le respect, l’humilité, la paix et l’unité. »

Militante au sein de l’association Moorea Biodiversité

La jeune militante est aussi adhérente de l’association Moorea Biodiversité qui est affiliée à la fédération Tāhei ‘autī ia Moorea. Elle participe notamment à l’éradication des plantes invasives comme le Miconia ainsi qu’à la création du sentier des guetteurs dans la vallée d’Opunohu.

« Je fais beaucoup de randonnées depuis la crise sanitaire. J’adore aller en montagne pour apprécier la richesse et la beauté de nos paysages naturels. Tu te rends compte que l’on vit dans un paradis et qu’il faut préserver nos ressources. C’est ce qui m’a poussée à m’engager dans l’association Moorea Biodiversité. On sait très bien que la présence du Miconia dans la vallée entraine la disparition des plantes endémiques de l’île ainsi que l’érosion des sols. Le déversement de boue dans le lagon pendant les jours de pluie va finir par tuer les coraux et les poissons. »

Représentante des associations environnementales au sein du PGEM

Aujourd’hui, Tehaurainui siège au sein du comité de gestion du PGEM (Plan de Gestion de l’Espace Maritime) en tant que représentante des associations environnementales.

« Mon rôle au sein du comité est de faire remonter les avis des associations et toutes les décisions prises lors de nos réunions. Il est important que la voix des associations environnementales soit entendue, car ce sont elles qui voient ce qui se passe sur le terrain. On a cette forte impression que l’aspect économique prend en général le dessus sur l’environnement. Je prends l’exemple de la distance réglementaire entre les baleines et les bateaux, définie par le code de l’environnement, qui n’est jamais respectée. »

Sensibiliser au développement durable

Pour conclure, la militante appelle la population à les rejoindre afin de se mobiliser pour la préservation ainsi que pour un développement durable de l’île.

« Il faut vraiment sensibiliser les habitants afin qu’on soit plus nombreux. C’est quand on est nombreux que l’on se fait entendre. Il faudrait construire plus de structures qui respectent l’environnement avec moins de béton. C’est malheureusement l’argent qui est mis en avant aujourd’hui. Si l’on reste passif par rapport aux infrastructures qui se construisent, Moorea va devenir la banlieue de Tahiti. Or, les visiteurs veulent découvrir Moorea pour son côté authentique. C’est ce patrimoine naturel et culturel que nous souhaitons léguer à nos générations futures. »