Rowena Tuhoe aux femmes maltraitées « Tu es belle ! »
« Maison » ne rime pas forcément avec « havre de paix et de sécurité » pour tout le monde. Cela est d’autant plus vrai en cette période de confinement liée au covid19. Certaines personnes y vivent un quotidien de peur et d’angoisse dû à la violence dans le couple. Femmes de Polynésie a voulu en savoir plus sur Rowena TUHOE, la dynamique directrice du centre d’hébergement Pu o Te Hau qui vient en aide aux femmes en détresse, victimes de violence conjugale.
À bonne école, dans un environnement familial chaleureux
« Seule fille entourée de trois frères, j’étais très heureuse. Mon père, chef de famille, mais surtout ma mère, directrice de l’école Fariimata pendant 15 ans, ont été des exemples pour moi. J’ai été éduquée dans l’empathie, la bienveillance. »
Une force pour Rowena. Après l’obtention d’un bac pro option commerce et d’une licence information et communication en 2003 à l’ISEPP, elle poursuit ses études à Auckland, où elle obtient un diplôme de business en 2007.
« Ça a été un déclic pour moi, j’avais longtemps été protégée par ma famille. »
De retour au Fenua, à l’instar de son frère aîné professeur des écoles et de son jeune frère enseignant en arts visuels, Rowena sera professeur d’éco-gestion aux Lycées de Faaa, Paul Gauguin, et Aorai. En 2011, l’arrivée de son fils chamboule sa vie et Rowena fait un choix personnel déterminant.
Une vie de couple pas si rose
« J’ai fait le choix de ne plus travailler car le papa arrivait à subvenir à nos besoins. Mais c’était un réel souci que je ne travaille plus. Je suis montée à 120 kgs, je n’avais plus de vie sociale et je m’étais recroquevillée sur moi. »
Si Rowena, qui reconnaît sa part de responsabilité dans les violences conjugales verbales et psychologiques que son couple a traversé en tire aujourd’hui une leçon de vie, en 2016, elle choisit la séparation et retourne vivre chez ses parents.
« J’ai dû me reconstruire dans le sens où il m’a fallu faire face à mes propres démons. Détruite intérieurement, j’avais perdu confiance en moi. »
Soutenue par ses parents, elle opère alors un changement radical en reprenant le sport et en perdant ses kilos en trop.
« Avoir une image de moi qui me plaisait, ça m’a aidé à me reconstruire. Je ne pouvais pas rester la femme que j’étais devenue et donner cette image à mon enfant. »
Elle s’inscrit alors en master de droit options ressources humaines au CNAM. En 2018, Rowena postule pour le poste vacant de directrice du Centre PU O TE HAU. Elle obtient la place devant 6 autres candidats.
Le travail au Centre PU O TE HAU
Géré par le Conseil des Femmes, qui regroupe 16 associations féminines et présidé par Chantal Minarii Galenon, le Centre Pu O TE HAU, dirigé par Rowena, reçoit de nombreuses demandes d’accueil.
« Nous avons une capacité de 40 personnes, mamans et enfants inclus, victimes de violences conjugales, intrafamiliales, psychologiques. La plupart sont sans emploi, complètement soumises à leur agresseur. »
L’équipe, constituée de 12 salariés comprend : une chef de service, une secrétaire comptable, deux éducatrices spécialisées, un agent de service et des monitrices d’encadrement. Avec des horaires différents, elle est en place 24h sur 24, 7 jours sur 7, vacances et jours fériés compris.
« On s’assure que les mamans ont lancé certaines démarches : voir le médecin, déposer plainte, et on les accompagne si nécessaire. On doit les mettre en sécurité. Nos portails sont cadenassés 24h sur 24. Parfois, nous faisons face à des hommes violents. »
La plupart des femmes n’ont pas de diplômes. Elles suivent alors des formations de remise à niveau au SEFI.
La période du confinement au Centre
Le Centre, fermé le 16 mars dernier, ne permet plus les sorties des mamans et de leurs enfants.
« On a organisé des ateliers couture, fabriqué des masques en tissu et exercé un suivi scolaire au profit des enfants. »
Chantal Galenon décide de rouvrir le Centre le 5 avril.
« La salle de réunion a été réaménagée en salle de confinement, avec 9 places supplémentaires. Les femmes ont leur propre sanitaire, douche. Par manque de tests Covid 19, elles y restent en quatorzaine. Pas de sortie avant le 29 avril. »
Pour Rowena, la violence n’est pas une fatalité. À tout moment, on peut avoir le déclic de se dire que ce n’est pas ainsi que tout va se terminer. Si certaines violences ne laissent pas de traces sur la peau, il est cependant important de briser le mur du silence, malgré la honte et la culpabilité.
« Au final, l’important c’est d’aimer. Soi d’abord, en retrouvant l’estime et la confiance en soi, puis l’autre, ensuite. « Tu es belle ! » Tous les jours, j’aime dire ça aux femmes du Centre. Et c’est vrai. »
Tehina de La Motte
Rédactrice Web
©Photos : Rowena Tuhoe