
Poema Moutame, une femme engagée pour sa communauté
Au mois de mars, nous célébrons la journée internationale des droits des femmes. À cette occasion, l’association UFFO Polynésie met en valeur 8 Polynésiennes inspirantes. Ces femmes remarquables, nous les avons appelées nos Poerava, nos perles rares.
La vie de Poema Godfrey, épouse Moutame, est celle d’une femme engagée en faveur des autres, à titre professionnel mais aussi dans le développement de sa commune et de son île. Femmes de Polynésie a souhaité vous partager le parcours de cette vahine exemplaire.
Née à Avera, Poema Moutame a fait sa scolarité à Raiatea avant d’aller à Tahiti au lycée de Taaone. À 20 ans, elle réussit un concours pour rentrer dans l’administration. Affectée au Service des Affaires sociales de Papeete, elle s’est initiée durant quatre ans au travail social dans l’espoir d’être mutée à Raiatea où l’attendait celui qui allait devenir son époux, Thomas Moutame, alors moniteur d’agriculture au CJA1 de Faaroa.

Une carrière dédiée au social
Après vingt-deux ans d’exercice aux Affaires sociales d’Uturoa, Poema est devenue travailleur social au lycée d’Uturoa où elle a œuvré pendant quinze ans avant de prendre sa retraite. Poema et Thomas ont eu deux enfants : Moetini, bien connu comme défenseur de l’agriculture biologique et Hinerava, chef d’une petite entreprise alimentaire. Six jeunes petits-enfants complètent aujourd’hui la famille.
Thomas Moutame, maire délégué d’Opoa depuis 1987, est devenu, dix ans plus tard, maire de la commune de Taputapuatea. Partageant une même foi religieuse, une vision commune du développement et du progrès social, et étant tous deux des travailleurs infatigables, Poema et Thomas œuvrent en complémentarité depuis quanrante-quatre ans, s’enrichissant l’un et l’autre pour trouver la bonne voie afin d’améliorer l’intérêt général.

Une implication pour les personnes âgées
Alors qu’elle était en poste aux Affaires sociales d’Uturoa, Poema Moutame a cherché à améliorer la situation des matahiapo. Avec ses collègues des Îles Sous-le-Vent, elle a organisé les Journées annuelles des personnes âgées de l’archipel, qui leur ont permis de sortir de leur isolement tout en valorisant leurs connaissances et en partageant leur savoir-faire.
L’éducation alimentaire des jeunes
Lorsque Poema a pris ses fonctions de travailleur social au lycée d’Uturoa, elle s’est très vite rendu compte que les jeunes « arrivaient le ventre vide » et que le mode d’alimentation, en pleine mutation, était un problème majeur dans les familles, qui abandonnaient de plus en plus les produits traditionnels pour adopter des aliments « fast food ».
Elle a alors demandé à modifier ses horaires de travail afin d’organiser en début de matinée des cours de cuisine pour les élèves. Ce furent les premières « Cooking class », qui depuis dix ans n’ont cessé de se développer dans les écoles, associant les jardins pédagogiques aux produits vivriers. Grâce aux dispositifs d’insertion proposés par les pouvoirs publics, de nombreux jeunes adultes ont été formés pour encadrer ces « Cooking class » et devenir des vecteurs de transmission.

« Je leur apprenais à reconnaître les fondements des valeurs ancestrales, en utilisant les ressources de l’exploitation familiale, et à composer des menus simples, sains et à moindre coût. »
Les ateliers « Cooking class » sont aujourd’hui inscrits dans les programmes des classes de 6e et de seconde du lycée d’Uturoa.
« Une alimentation équilibrée à partir de produits locaux, la promotion de l’agriculture à l’école et dans les foyers, être responsable de sa santé, et pratiquer une activité physique constituent le programme que j’ai pu développer grâce au soutien sans faille de mon mari, Thomas. »
Des inspirations et des influences
« C’’est un médecin naturopathe, le docteur Kirimaua Raudane, et son épouse qui m’ont transmis cette approche lors d’un séminaire organisé en 2016 à Tahiti puis à Raiatea. Originaires des Kiribati, ils ont beaucoup travaillé dans la région Pacifique et leurs expériences leur ont permis de proposer des approches globales, en proximité avec un soutien des personnes dans la durée. Un autre inspirateur a été M. Wu Sengen, qui prônait l’agriculture biologique et bannissait catégoriquement l’utilisation des pesticides. »
Transmission et cohésion sociale
Depuis l’an dernier, en partenariat avec la commune, l’équipe associative de Poema Moutame s’investit dans la transmission des savoirs-faire en percussions, chants traditionnels et four traditionnel, et apporte sa contribution au Heiva des écoles, devenu un magnifique événement de transmission intergénérationnelle et de cohésion sociale. À terme, l’idée est d’aboutir à des projets d’échanges au niveau régional, Raiatea étant l’île mère du Triangle polynésien.
1 Centre des Jeunes Adolescents

Béatrice Vernaudon et Armelle Merceron
©Photos : Poema Moutame pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES