Belinda : Œuvrer pour une Polynésie inclusive
À l’occasion des Journées Polynésiennes du Handicap, Femmes de Polynésie rencontre Belinda, qui consacre son quotidien à l’accompagnement des personnes porteuses de handicaps moteurs1. Aujourd’hui responsable du pôle éducatif de la Fraternité Chrétienne, sa générosité révèle son expérience et sa passion pour son métier.
LA FAMILLE, LES RACINES DE SA VOCATION
Belinda mentionne d’abord avec émotion sa famille, qui est originaire de Rapa. Dernière d’une grande fratrie, elle grandit en prenant exemple sur ses aînés.
« Je me nourris de toutes leurs expériences de vie et des conseils qu’ils m’ont donné. Je les ai vu passer des nuits à travailler. Je pensais ne jamais suivre leur exemple et au final, je suis comme eux (rires). »
La vie en communauté et le soutien à ceux qui l’entourent sont des valeurs qui s’inscrivent naturellement dans sa personnalité dès son plus jeune âge, la menant vers la santé et le social. Elle commence donc dans le milieu médical en tant qu’aide-soignante.
L'ACCOMPAGNEMENT SPÉCIALISÉ, SON CHEMIN DE VIE
C’est une mission de remplacement en tant qu’aide-monitrice qui la mène à la Fraternité Chrétienne2, il y a vingt-et-un ans. Au contact des enfants porteurs de polyhandicaps3, la jeune femme découvre sa voie et se fixe un objectif : devenir éducatrice spécialisée.
« Mon parcours au sein de la fraternité chrétienne a débuté en tant qu’aide-monitrice pendant six ans. En 2010, j’ai été diplômée en tant qu’aide-soignante, puis j’ai obtenu mon DAEU4 en 2017. A travers la VAE5, j’ai validé mon diplôme d’éducatrice spécialisée, ce qui m’a permis d’être promue responsable d’un pôle éducatif. J’ai également obtenu mon diplôme de CAFERUIS6, qui m’a ouvert la voie au poste de responsable de site. Je suis profondément reconnaissante envers la direction pour son soutien et l’attention qu’elle porte à la formation et au bien-être de leur personnel. Il est maintenant temps de la mettre en pratique pour contribuer activement au bien-être des personnes accueillies. »
Soutenue par son mari dans ce parcours long et peu conventionnel, Belinda réussit à concilier sa vie de famille à ses années de travail.
« Je suis épanouie et j’ai trouvé ma voix en travaillant avec ces personnes. J’exprime une gratitude immense car au travers de leurs défis de tous les jours, de leur courage, ils m’enseignent des leçons de vie. C’est inestimable. »
HUMILITÉ, PATIENCE ET PERSÉVÉRANCE
Au sein de la FRAT, elle consacre ses journées à l’organisation du quotidien des personnes qu’elle encadre, en leur proposant des activités sportives et éducatives, adaptées à leurs handicaps.
« Notre objectif est de rendre la journée des personnes accueillies au sein de la Fraternité Chrétienne aussi normale que possible, afin qu’elles puissent s’épanouir, trouver le bonheur, avoir les soins les plus adaptés et bénéficier du plus grand confort. »
Désormais responsable du site de Outumaoro qui accueille des enfants et adultes porteurs de handicaps moteurs, elle coordonne et supervise les différents services ainsi que la gestion du personnel éducatif.
« J’ai opté pour un nouveau départ. Nous sommes tous sujets à la critique et à la plainte mais j’ai travaillé à changer ces habitudes. Maintenant, l’équipe est plus unie que jamais. D’ailleurs, avant de venir ce matin, j’ai rendu visite à l’un de nos adultes hospitalisés. Nous nous relayons tous pour lui rendre visite chaque jour y compris le week-end. C’est vraiment touchant ! »
Leur mission s’étend au-delà de leur locaux et comprend un accompagnement au sein des foyers, avec le soutien d’une intervenante familiale. Pour mener à bien cette mission à domicile, Bélinda souligne l’importance du respect et de l’humilité.
« Quand nous rendons visite à un enfant à son domicile, nous pénétrons dans l’intimité du foyer. Il est essentiel d’être humble et sans jugement, car l’objectif principal est d’assurer le bien-être de l’enfant. Nous sommes là pour collaborer avec les familles dans l’intérêt des enfants. »
Quant aux problématiques liées au handicap, elle met l’accent sur les rapports humains, une distance prise par peur de l’inconnu.
« On parle souvent de l’accessibilité, de l’emploi, mais il y aussi le regard des gens envers ces personnes. Au-delà de tout malaise ou de gêne, je pense que cela vient d’un manque de connaissances, la peur de blesser involontairement ou de dire quelque chose d’inapproprié. Cela vient aussi du fait qu’on ne les côtoie pas au quotidien. »
SES VALEURS, AU CŒUR DE SON TRAVAIL
Lorsqu’elle réfléchit à ses passions, Belinda mentionne d’abord son travail et évoque ensuite sa famille, de l’importance qu’elle accorde aux moments passés ensemble, simples et précieux.
« Je remercie mon mari, qui m’a soutenue lorsque je passais mes examens en travaillant et m’a toujours encouragée. Son soutien a été une précieuse source de force. Pour moi, le bonheur réside dans les choses simples. Être assise sur un pē’ue, avec mes enfants et ma famille. C’est simple mais c’est tout ce dont j’ai besoin. »
Jour après jour, elle renforce les liens et la confiance au sein de son équipe et intègre une approche culturelle dans la conception des activités qu’elle propose.
BRISER LE MUR DES DIFFÉRENCES
Avant de nous quitter, Belinda nous exhorte à ne pas avoir peur des différences et à nous unir.
« Il faut être patient et attentif au langage non verbal. Un simple bonjour dans la rue, une petite conversation peuvent changer les perspectives et favoriser le rapprochement entre les individus. »
Afin de mieux comprendre le quotidien de ces personnes et apprendre à les connaître davantage, elle nous invite à entrer dans leur réalité à la Fraternité Chrétienne.
« J’invite chacun à venir nous rencontrer au centre, tout le monde est bienvenu. Car c’est en se rencontrant que nous briserons les barrières et que nous avancerons vers une Polynésie inclusive, que nous serons unis malgré nos différences. »
1 Condition qui se manifeste par une aptitude limitée à se déplacer, à exécuter des tâches manuelles ou à mouvoir certaines parties du corps.
2 Créée en 1979, l’Association gère 4 Établissements d’accueil des personnes en situation de handicap moteur et polyhandicap sur l’île de Tahiti. Sa mission principale est d’apporter un soutien médical, psychologique, paramédical, éducatif et social aux personnes accueillies.
3 handicap sévère à expressions multiples associant toujours une déficience motrice et une déficience intellectuelle sévère ou profonde, entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation
4 Le D.A.E.U. (Diplôme d’accès aux études universitaires) donne les mêmes droits que le baccalauréat, notamment en termes d’accès aux études supérieures.
5 La validation des acquis de l’expérience est une mesure qui permet à toute personne, quels que soient son âge, son niveau d’études ou son statut, de faire valider les acquis de son expérience pour obtenir une certification professionnelle.
6 Certificat d’Aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale.
6 Certificat d’Aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale.
Hina Teata
Pigiste
©Photos : Hina Teata pour Femmes de Polynésie, Tabatha Houguenague.
Directeur des Publications : Yvon BARDES
