Avec Alice de EIMEO ANIMARA : « il faut voir en dehors de sa cour »
Elle aime les sourires, la nature, les animaux et est sensible à leur souffrance. Des choix, Alice Clairotte Rouget en fait malgré elle car la situation sanitaire animale est en crise : « Ramené au nombre de personnes, il y a cinq fois plus d’animaux en Polynésie qu’en France. 50 chiots à donner en un weekend, c’est énorme. » Malgré tout, pour cette bénévole et présidente de l’Association de protection animale Eimeo Animara, « chaque animal que l’on sauve me donne de l’espoir ». Femmes de Polynésie l’a rencontrée.
Son parcours
Venue pour les vacances à Tahiti en 1998, à 21 ans, Alice, ancienne parisienne, « prend une claque ».
« La phrase qui m’est restée c’est : les Polynésiens ont tout compris. On est en manque de sourires à Paris. Cette simplicité, cette vie au cœur de la nature que l’on a en Polynésie, c’est extraordinaire. »
Elle décide de revenir l’année d’après et depuis dix-huit ans, y travaille.
« J’ai tout quitté pour partir à l’autre bout du monde. Pas une seconde j’ai regretté, je suis contente de ce choix. J’ai trois enfants nés ici, vécu douze ans à Moorea, mon île de cœur. Elle me manque mais je la vois de ma fenêtre, alors le lien reste. »
Son amour pour la cause animale
La sensibilité envers les animaux, Alice l’a eue très jeune, lorsqu’elle allait chez sa grand-mère :
« Ma grand-mère s’occupait des chats errants autour de la maison. Elle faisait la « soupe populaire des chats ». Tous les soirs, elle préparait les gamelles et donnait au maximum la pilule aux femelles. »
Elle raconte qu’elle se souvient de sa grand-mère noyant des nouveau-nés, la boule au ventre, et « faisait ce qu’il y avait à faire, car elle savait que la surpopulation n’était pas bonne ». À la maison, les magazines de WWF et 30 millions d’amis qui parlent de vivisection et d’animaux de laboratoire, la bouleversent.
« Les visuels m’ont choqués, c’était inconcevable ».
Aujourd’hui, Alice est « madame Chat » dans l’association. Son premier chat a été adopté à la SPA en France. Son ex belle-sœur était présidente de l’association Fenua Animalia et c’est en 2013 qu’elle découvre l’association Eimeo Animara. Aujourd’hui, l’association compte moins d’une dizaine de membres actifs, sur Tahiti et Moorea.
Les missions de Eimeo Animara
1ère mission
Recevoir les appels de signalement d’animaux abandonnés : des chiens, des chats, le plus souvent des bébés mais aussi des adultes.
2ème mission
Recevoir les appels de signalement de maltraitance animale : « on établit un dialogue avec les propriétaires pour expliquer pourquoi l’animal n’est pas bien et comment améliorer les choses. Si le dialogue est impossible, on fait intervenir les autorités. Cela arrive peu mais on prévient les gendarmes et la police municipale, on porte plainte et on saisit l’animal quand on le peut. Les gens vont peu au bout des plaintes, car ils ont peur des représailles pour leurs animaux à eux. Nous aidons à faire les démarches ». Le problème, me dit-elle, est le manque de place pour ces animaux.
3ème mission
Récupérer, soigner les animaux en mauvaise santé.
4ème mission
Faire adopter les animaux. « La page Facebook est notre principale vitrine. On met une photo des animaux avec un petit mot sur leur caractère. La dépêche de Tahiti et Paru vendu nous offrent des encarts dans leur magazine papier. Nous avons quelques albums photos chez les vétérinaires. »
5ème mission
Stériliser autant que possible : tous les animaux de l’association de plus de 6 mois, les animaux fixés sur zone, les animaux errants qui sont dans un coin, ceux qui ne sont pas agressifs et en bonne santé.
6ème mission
Prévention dans les écoles primaires principalement sur Tahiti et Moorea.
Les petits « plus » de l’association Eimeo Animara
« On connaît les animaux car ils sont tous en famille d’accueil. La question que je pose à chaque fois : qu’est-ce que tu recherches comme caractère chez cet animal ? »
Pour Alice, quand on achète un animal comme ça, souvent, il n’y a pas cet échange. Pour elle, c’est clair : « Adoptez mais n’achetez pas ! »
Concernant les pitbulls, des chiens soumis à des réglementations, on ne peut pas en adopter au sein de l’association :
« Il ne faut pas faire n’importe quoi avec ces chiens car ils sont puissants et ont besoin d’attention, de temps et de faire du sport. S’ils n’ont pas ça, ils peuvent devenir dangereux. »
Les bichons, très à la mode ces derniers temps, ils en voient dans tous les états.
« Il faut savoir qu’il faut un bon toilettage, tous les deux mois minimum. Ces chiens sont fragiles au niveau des intestins, on ne peut pas leur donner n’importe quoi à manger. Ils s’éduquent sinon c’est ingérable et ils aboient beaucoup. »
Les caractères sont donc très différents : « Il y a des chiens très calmes, hyper dynamiques si tu es une personne sportive qui va à la mer, randonne, et des chiens plus pépères. Les chats, ce n’est pas pareil. Il y en a des vadrouilleurs, chasseurs, pépères. Si la personne n’a pas d’idée particulière on discute avec elle afin de lui trouver le meilleur compagnon. »
Les difficultés rencontrées
« Le manque de structures, de moyens financiers, de moyens humains et de soutien des autorités nous causent problème. »
Un jour, Virginie, une autre bénévole, reçoit un appel de son ancienne voisine, lui demandant de venir absolument car il y a un chien tailladé au coupe-coupe apparemment.
« Dans ces moments-là, on ne se pose même pas la question, c’est le cœur qui parle. Virginie a foncé chez le véto. La chienne a été soignée, c’est un chien extraordinaire : elle s’appelle Chance. Sa famille d’accueil raconte même qu’un de ses chats tête cette chienne. Des histoires comme ça, j’en ai à la pelle. »
Des choix difficiles et douloureux, comme trouver un carton avec des bébés que l’on doit porter pour être endormis, Alice les fait, le cœur lourd.
« On est à un tel stade de débordement que l’on est obligé de prioriser. Les vétérinaires n’en peuvent plus d’euthanasier. Une m’a même dit, exténuée, qu’elle n’a pas choisi ce métier là pour ça… »
Pour Alice, les gens ne réalisent pas la nécessité de stériliser ou d’endormir les nouveau-nés : « il faut voir en dehors de sa cour. »
De l’espoir malgré tout
Pour Alice, il ne s’agit pas juste de sauver la vie, c’est la sauver jusqu’au bout. « Même si on peut en sauver un sur trois, il aura une belle vie d’assurée. Chaque adoption est belle. »
Alice me raconte l’histoire des chiens adoptés qui crapahutent et suivent leur maître à travers le monde. Comme Céline qui est arrivée avec son chien de France et est repartie avec deux chiens adoptés ici, dont Scoffield, un berger Tahitien.
« Il fait des podiums, il éclate tout le monde. Tous les autres sont des pures races, mais le petit berger de Moorea, dans les clubs canins de France, a fait sa place. »
Pour Alice, nous avons tous un rôle à jouer dans la protection animale. Cette citation de Lamartine : « on n’a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on en n’a pas », résonne particulièrement en elle. Si vous aussi êtes sensibles à la cause animale, n’hésitez pas à la rencontrer ou à la contacter.
Questions d’Alice à se poser avant de prendre un animal
- Le lieu de vie va-t-il correspondre ? Le chien a besoin de courir, aurais-je du temps à lui consacrer tous les jours si je dois le sortir en revenant du travail fatigué(e) ?
- Un animal a un coût. S’il y a un pépin un jour, aurais-je les moyens de payer le vétérinaire ? Les moyens de le stériliser ?
- Suis-je prêt à m’engager sur 10-15 années ? Si je pars souvent en vacances, quelqu’un pourra-t-il s’en occuper ?
Plus d’informations
Sur la page Facebook Ass. Eimeo Animara
Tehina de la Motte
Rédactrice web
© Photo couverture : Femmes de Polynésie
© Photos article : Eimeo Animara
Femmes de Polynésie est partenaire
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