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Portrait

Tepairu, au nom de la planète !

Publié le 28 février 2019

Elle fait partie de ces jeunes polynésiens sensibles à l’écologie, amoureux du fenua, qui revendiquent l’utopie et carburent à l’enthousiasme. Tepairu Thomas déborde d’idées pour améliorer l’environnement du territoire et de la planète toute entière. Elle confie à Femmes de Polynésie son engagement éco-citoyen.

Tepairu est la fille d’un médecin de Papeete, élevée par son papa. Elle a fait sa scolarité dans le privé. A tous les stades de son cursus scolaire, elle a assisté à des interventions en classe pour être sensibilisé aux questions de l’environnement.

LE DECLIC : LE FILM « HOME » DE YANN ARTHUS-BERTRAND

C’est lors d’une projection du film « Home » que s’est produit, très jeune, une vraie prise de conscience. C’est là qu’elle comprend que tous les îliens, de Polynésie et d’ailleurs, seraient les premiers touchés, alors qu’ils sont sans doute les moins responsables des problèmes qui menacent la planète.

« En classe de première, des camarades et moi travaillons sur un exposé relatif à la montée des eaux, et son impact sur la Polynésie »

Cet exposé fut une nouvelle prise de conscience et une raison de plus de s’engager dans des combats, car on disposait de suffisamment d’informations expliquant l’impact local de la montée des eaux. Tepairu décide d’agir sans attendre et cela marque le début de son engagement. D’autant que le constat était fait depuis une cinquantaine d’années et qu’il lui semblait impossible de rester inactive.

C’est pourquoi la jeune fille se lance dans des études en ce sens, et passe sa licence de biologie à Bordeaux avec, en 2ème année, une spécialisation dans l’environnement. Pour des raisons essentiellement financières, elle n’ira malheureusement pas jusqu’au bout, et décide de rentrer au fenua où elle ne trouve pas d’emploi dans le secteur qu’elle affectionne.

«Ma recherche d’emploi me conduit vers l’immobilier »

Dans le secteur de l’immobilier, elle se rend vite compte que ce sont des notions capitalistes qui dominent, le fait de devoir faire de l’argent et des bénéfices avant tout, et que cela se fait souvent au détriment de l’environnement. Autrement dit, l’immobilier est un secteur fortement énergivore et il est très rare de concevoir un projet immobilier qui soit dans le respect total de l’environnement.

Les ravages sont visibles avec le ciment, fabriqué à partir de sable, donc, en Polynésie, de sable coralien. Nouveaux constats qui accentuent la prise de conscience de Tepairu. Sa vie connait des hauts et des bas. On lui dit parfois qu’elle ressemble à une télénovelas. Elle perd son emploi dans l’immobilier et se désole de ne pas trouver dans l’univers de l’écologie. 

« Mais je rencontre le monde associatif avec Pae Pae no te Ora et Tamarii Pointe des Pêcheurs, deux associations de Punaauia, et ça fait du bien d’œuvrer dans l’humain, pour le bien-être des gens »

Des activités bénéfiques basées sur le bénévolat mais qui la conduisent aussi à un poste d’animatrice à destination des enfants où elle fait part de son expérience, explique le tri des déchets. Les gamins, entre 7 et 9 ans intègrent très bien les notions qui leur sont expliquées, comprennent les combats qui sont menés.

« Si on aime nos îles, on est obligés de les respecter avec des gestes simples et quotidiens »

Tepairu explique aux enfants comment recycler des objets destinés à la poubelle : un bouchon de liège peut devenir un tampon, un porte-clés flottant ou un tableau pense-bête… une barquette peut servir de pot de peinture ou de récipient pour nettoyer des pinceaux… Des gestes que les enfants peuvent reproduire chez eux sans avoir honte, comme c’était le cas jadis dans les familles polynésiennes par manque d’information.

Tepairu se souvient d’une publicité locale où l’on voyait un piroguier jeter une noix de coco dans la nature, geste neutre et inoffensif pour l’environnement, puis, dans la scène suivante, un homme jetant une canette de son 4×4, geste plus courant de nos jours, aux conséquences environnementales énormes en termes de pollution.

« N’ayant pas, pour le moment, retrouvé d’emploi, j’ai beaucoup de temps à consacrer aux associations »

Et tout passe par la prévention et l’amour de la culture polynésienne, des ancêtres qui vivaient de la terre, au rythme de la nature. Tepairu est révoltée par la reprise de la chasse aux baleines au Japon, pays qu’elle admire pourtant.

Autre sujet de révolte : ce que l’on appelle le 7ème continent, le continent de plastique, et elle n’arrive pas à comprendre comment les états peuvent consacrer des sommes folles pour aller dans l’espace ou pour alimenter des business dans l’armement, sans être capables de s’occuper de nos océans. Encore et toujours des notions de profits, de bénéfices, d’argent, alors que, paradoxalement, on multiplie les colloques type Cop21 et autres non suivis d’effets.

« Heureusement, la planète est plus forte que nous. La nature a toujours su s’adapter. Les arbres n’ont jamais autant absorbé de carbone qu’avant, ce qui est une réaction de défense et la couche d’ozone commence à se reconstituer petit à petit »

Tous ces détails font penser à Tepairu qu’on ne peut pas abandonner et que rien n’est irréversible. Antonio Gutteres, le secrétaire général de l’ONU prédisait que nous avions jusqu’en 2020 pour réagir et qu’au-delà, les conséquences seraient beaucoup plus graves. D’où l’intérêt de sensibiliser les enfants à ces problématiques pour que l’on passe de la génération qui a détruit la planète, à la génération qui va sauver la planète. Et c’est le combat actuel de Tepairu.

S’ATTAQUER A L’ACTION DE L’HOMME PLUS QU’AUX OBJETS

Les réflexions de Tepairu sont nombreuses. Comme le plastique justement. Elle estime que ce ne sont pas des objets inertes qui sont le problème mais bien l’action de l’homme et l’usage qu’il en fait. Il faut s’attaquer à l’humain et à ses attitudes nocives. Lors d’un récent tour de l’île, elle a ramassé 6 sacs entiers de déchets et c’est là qu’on voit toute l’utilité des actions associatives.

« Dans mes ateliers, je commence toujours par demander aux enfants ce qu’est, pour eux, la pollution. Ils me répondent que c’est quand on jette. Quand je leur demande où on jette, ils me répondent que c’est dans la nature. Et qui jette ? la réponse est simple : c’est l’homme. Et donc qui doit agir ? C’est l’homme… Si un enfant de 7 ans peut le comprendre, tout le monde doit pouvoir le comprendre »

Car il n’y a pas de solution miracle. C’est une philosophie qu’il faut intégrer et adopter soi-même au quotidien des gestes éco-citoyens. Tepairu s’est imposée une devise depuis 5 ans : tous les jours ramasser au moins trois déchets par jour. Heureusement, c’est devenu une tendance, voire même un effet de mode bénéfique avec la vague de la nourriture « healthy ».

« Le soir, quand je m’endors, je pense à ce que j’ai fait dans la journée pour l’environnement et ça fait du bien. »

UN PROJET DE VALORISATION D’UNE ESPECE INVASIVE MARINE

Tepairu a aussi un projet qui est encore au stade embryonnaire : c’est une algue invasive turbinaire de type sargasse qui se développe beaucoup dans les lagons des îles hautes avec la présence de l’homme, à partir de laquelle on peut étudier des matériaux de construction avec l’avantage de devenir, après séchage, imputrescible et ininflammable, le top pour la Polynésie !

Un projet qui est actuellement au stade expérimental mais qui semble totalement génial, qui pourrait déboucher sur de la création d’emplois, et pour lequel elle ne verrait aucune objection à recevoir des soutiens de mécènes.

LES ÎLES FLOTTANTES

Tepairu s’était rapprochée de l’Institut Seasteading et avait pris soin de lire tous les protocoles du projet des îles flottantes qui répondaient en théorie à la problématique des réfugiés climatiques des îles basses, et auquel elle était favorable.

« Hélas, beaucoup de gens condamnaient ce projet sans avoir lu l’étude d’impact. Les opposants faisaient valoir des arguments personnels sans avoir étudié le dossier, sans savoir, avec un effet de moutons amplifié par les réseaux sociaux »

En effet, peu de gens s’étaient déplacé aux conférences de Steasteading. Il y avait surtout des professionnels. Tepairu estime que c’est une bonne chose pour le peuple de se révolter, mais il faut surtout s’informer avant car, dit-elle « Le savoir c’est le pouvoir ! »

Une jeune femme qui observe le fonctionnement de notre société avec recul et réflexion. Elle en tire des conclusions qui ressemblent à des évidences, comme le fait de s’inspirer de mesures qui fonctionnent à l’échelon communal ou régional pour les appliquer au plan national, plutôt que de se focaliser sur des choses qui ne marchent pas, dans un climat de désinformation global… En résumé, conclut Teiparu, on se focalise trop sur les problèmes et pas assez sur les solutions, et elle a donc définitivement choisi de se placer du côté des solutions et de l’action.


Laurent Larchiver
Rédacteur web

© Photos : Tepairu

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