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Tiare Trompette-Dezerville : « rendre accessible la culture à tous »
Les to‘ere rythment notre conversation, martelant la cadence des phrases prononcées par cette grande dame de la culture polynésienne. Presque sept ans après notre première rencontre, Femmes de Polynésie retrouve Tiare Trompette-Dezerville, qui n’a de cesse de nous surprendre.
AVEC ET POUR LA COMMUNE
« Pirae, c’est là où j’ai grandi. »
Enfant de la commune, Tiare Trompette-Dezerville garde contact avec ses racines. Reconnue comme danseuse et chorégraphe, elle est aussi activement impliquée dans la vie éducative.
« Mes actions auprès de la commune, c’est tout d’abord en tant que conseillère pédagogique. J’ai œuvré dans les écoles de Pirae et j’ai soutenu des projets artistiques avec des élèves de ces écoles. »
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Désormais directrice d’école à Punaauia, elle conserve ce lien avec le berceau de son enfance.
« Aujourd’hui, je suis plus une personne ressource, de conseil. »
Engagée socialement, il est impensable pour elle de ne pas voir la commune, et plus particulièrement la mairie, comme un allié précieux.
« C’est incontournable de travailler avec un partenaire tel que la municipalité. Parce que c’est elle qui connait bien sa population. C’est un acteur fondamental du développement d’une commune. »
SE RECONNECTER AUX TRADITIONS
Figure culturelle incontournable, Tiare se plait à mélanger ses deux passions : les arts traditionnels et l’éducation.
Avec le soutien du centre de formation, elle met en place des projets permettant aux enfants de la commune de Pirae de renouer avec leurs coutumes ancestrales.
« Les enfants d’aujourd’hui sont connectés à un monde virtuel, et déconnectés finalement de leur environnement. À un moment donné, il faut savoir couper ce monde numérique, et les ramener à la source. »
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Loin d’elle l’idée de critiquer totalement les outils technologiques. Ici, il est question de garder la mémoire intacte et de ne pas oublier l’Histoire.
« On peut leur réserver quelques heures dans la semaine d’activités culturelles, et ils adorent ça. C’est dans le sang, nos enfants vivent avec ça. Il faut trouver un équilibre, un juste milieu entre ce moment où ils sont connectés à ce monde virtuel et un moment où ils doivent être en action, vivre leur culture. »
Ce que propose Tiare, ce sont des espace-temps où le savoir et le savoir-faire sont mis à l’honneur.
« On va leur apprendre à connaître leur Histoire, des légendes. On va leur apprendre aussi à avoir une connaissance de la culture, le nom des pas, des musiques, les instruments qui composent un orchestre… »
TENDRE LA MAIN
Activiste dans les arts, Tiare Trompette-Dezerville n’a jamais hésité à faire passer des messages forts à travers ses représentations. Résolument investie dans le social, elle prend également de son temps pour mener à bien des projets dans les quartiers prioritaires.
« J’ai associé les habitants des quartiers défavorisés à participer à un projet d’ordre culturel, pour nourrir cette population, prendre du temps pour les arts traditionnels. »
Bien évidemment, la jeunesse est encore une fois mise à l’honneur.
« On s’est interrogé sur ce que les enfants connaissaient de leur culture. »
Réalisant le manque d’accès à la culture de ces populations, notre cheffe de troupe ne se limite pas à la transmission d’un seul médium.
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« Ce projet culturel a permis à ces enfants d’avoir accès, tout d’abord, aux musiques traditionnelles, puis aux chants traditionnels, et enfin à la danse traditionnelle. C’est quelque chose qui les a nourri, et dont plusieurs d’entre eux sont, aujourd’hui, dans des filières spécialisées en danse. Ils se sont épanouis dans les arts. »
Un pari réussi, donc.
« Le projet qui m’a tenu le plus à cœur, ça a été le projet culturel autour du chant et de la danse, où on a rassemblé presque deux cents enfants. Ils sont allés à To‘atā, pour le Heiva des écoles. Ça a été fantastique. »
Comme à son habitude, Tiare ne compte pas s’arrêter là.
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« On n’a pas fini de travailler sur des thématiques telles que l’écriture, le chant, la mise en valeur du patrimoine, le ‘ōrero… Je m’attache à ça, car c’est important pour eux de participer à ces projets, d’apporter leur pierre à un projet. Ça construit l’estime de soi. »
De par ses actions, mais également grâce à ses paroles, elle nous exhorte à reconnaître nos privilèges, et à faire preuve d’altruisme.
« Si on est gâté par la vie, faisons en sorte que d’autres soient gâtés par nos actions. Pour les personnes qui ont des facilités, prenez du temps pour les personnes qui n’ont pas cette chance. Donnez, offrez, partagez, sans rien attendre en retour. »
DONNER UNE CHANCE À TOUS
Pour Tiare, il est grand temps que tout le monde ait accès aux connaissances et aux événements culturels.
« Rendre accessible la culture à tous. La culture est devenue élitiste. »
Si la vie est une fête, Tiare Trompette-Dezerville est de ceux et celles qui en sont les hôtes.
« Croyez en vous, croyez en vos rêves. Si vous avez des projets, n’hésitez pas à aller jusqu’au bout. Donnez-vous les moyens de réussir, parce que vous le pouvez, c’est en vous. »
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C’est le cœur plein d’espoir pour l’avenir de notre jeunesse et empli de reconnaissance que nous quittons Tiare. En guise d’au revoir, elle nous berce de quelques brins de sagesse.
« On a un pays qui est beau, une jeunesse qui est belle. On peut prendre le temps de les choyer. Qu’est-ce que ça coûte, le temps ? Donner de l’amour, c’est ça qui est important. »
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PORTRAIT MIS EN AVANT PAR LA MAIRIE DE PIRAE
Rédactrice
©Photos : Cartouche et Teina Sancan pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES