Quand une femme paye l’addition
Cette année, pour la Saint-Valentin, c’est moi qui invite : restaurant gastronomique, menu spécial, cocktails, vin, on ne se refuse rien. Je sors le grand jeu pour ravir mon amour car il le vaut bien. Quand vient le moment de régler, mon jules me dit : « J’ai peur d’avoir l’aire ridicule devant le serveur si c’est toi qui payes… ». Malaise. Une partie de moi se dit « pauvre petit cœur » et l’autre… L’autre s’offusque : « Comme si c’était humiliant qu’une femme paye. On peut quand même inviter nos hommes à la Saint-Valentin ! C’est ça l’égalité des sexes, non ?! »
Le plaisir d’inviter quelqu’un à qui l’on tient, avec qui l’on passe un bon moment, ne doit pas être exclusivement masculin. Penser que l’homme doit régler la note systématiquement, c’est nous renvoyer à notre condition de femme jugée « inférieure » et « fragile », incapable de subvenir à nos propres besoins. L’un des enseignements majeurs de Simone de Beauvoir porte justement sur la capacité pour chaque femme à s’assumer financièrement. Il faut dire que les femmes ont dû se battre pour leur autonomie financière. C’est pourquoi, pour une femme, payer l’addition est une fierté, un signe de réussite sociale et professionnelle.
En plus de faire passer un message, je suis galant versus je suis indépendante, régler la note est également une forme de rapport de force ou de domination. Les codes de bienséance veulent que les personnes ayant un rapport de domination sociale sur les autres payent : le parent paye pour l’enfant, le patron paye pour son employé, le plus âgé paye pour le plus jeune. Inclure à cette liste l’homme paye pour la femme positionne l’homme comme dominant, et la femme dominée.
Il n’est pas là question de renverser la norme et de passer de « les hommes payent pour les femmes, tout le temps » à « les femmes payent pour les hommes, tout le temps » mais de normaliser les rapports femmes/hommes autour des additions. De décider ensemble de façon éclairée sur la base de critère qui nous sont propres (je suis à découvert et pas toi, j’ai envie de t’inviter, la dernière fois c’était toi etc.). Pensons-y à la prochaine addition…
Mereani Maraeauria
Rédactrice web
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