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Culture

Merehau Buchin, une voix devenue force

Publié le 9 décembre 2025

Merehau Buchin a remporté le 3e prix de ’ōrero dans la catégorie Tāparau ’Ārere Tau lors de la 3e édition du festival Parau Ti’amā en octobre 2025. Si la professeure des écoles spécialisée en reo tahiti au collège de Arue s’investit plus aujourd’hui dans cet art oratoire, la passion pour le ’ōrero n’était pas forcément une évidence.

C’est en bord de mer à Arue, dans sa commune d’adoption où elle vit depuis une vingtaine d’années, que nous rencontrons Merehau Buchin.

« J’ai passé toute ma jeunesse dans un quartier populaire à Faa’a où habitaient mes parents. »

Une éducation stricte

Aînée de trois filles, Merehau reçoit une éducation stricte.

« Les journées, c’était la maison, l’école, puis les devoirs. On n’allait pas traîner avec des amies. Mes parents parlaient tahitien entre eux, mais avec nous, ils parlaient toujours en français, car c’était très important pour eux que nous réussissions à l’école et cela passait par la langue. Adolescente, je leur en ai un peu voulu, car je ne parlais pas ni ne comprenais notre langue, sauf quelques mots… »

La danse hawaiienne

Si les sorties et les activités ne sont pas légion pendant l’enfance de Merehau ; à l’adolescence, elle découvre le hula, la danse hawaiienne.

« J’étais allée chercher ma sœur et j’ai assisté à un cours de hula. J’ai tout de suite aimé. J’étais assez pudique et contrairement au ’ori tahiti, au hula, on est davantage vêtue, cela me correspondait mieux. »

Merehau Buchin Femmes de Polynésie

Forte de cette révélation, l’adolescente demande à sa mère de l’inscrire. Mais c’est seulement un an plus tard, après avoir obtenu son brevet des collèges, que celle-ci accepte.

« Cela m’a permis de me connecter à la culture polynésienne au sens large. J’étais en pleine réflexion sur mes racines polynésiennes, tahitiennes… »

L’apprentissage du reo tahiti et l’enseignement

Merehau décide ensuite d’apprendre le reo tahiti en classe de seconde, puis continue à l’université.

« J’ai obtenu ma licence de reo. J’aurais aimé poursuivre mes études à Aix-en-Provence, mais financièrement, cela n’a pas été possible… »

Elle cherche alors du travail et est embauchée chez Air Tahiti comme hôtesse au sol, mais un événement politique vient changer sa vie : le taui de 2004.

Merehau Buchin Femmes de Polynésie

« L’apprentissage du reo a été mis en avant dans les écoles. J’avais postulé à une candidature dans la culture, mais j’ai obtenu un contrat d’un an pour être professeure. »

Si son contrat n’est pas renouvelé, Merehau décide de se lancer dans une carrière dans l’éducation. Elle passe alors le concours de professeur des écoles et le réussit. En 2007, le ministre de l’Éducation de l’époque, Jean-Marius Raapoto, lance les concours de ‘ōrero destinés aux jeunes élèves.

La découverte du ’ōrero

« Au départ, franchement, je n’étais pas pour, car c’est un art difficile pour les enfants, ils ont beaucoup de mal. Il fallait trouver des textes accessibles. »

Mais la professeure n’a pas le choix, et si elle avoue qu’elle « tâtonne » au début, elle découvre petit à petit cet art oratoire. Sa quête de la culture polynésienne grandit au fil des années.

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« Je me suis mise à la danse, j’ai participé au Heiva avec plusieurs groupes. »

En 2022, un événement marque un tournant.

« Une amie, Karine Taea, m’a fait venir pour participer à Pina’ina’i1, le spectacle mis en scène par Moana’ura Tehei’ura. Au départ, je n’étais pas très sensible à ce genre de spectacles, car j’étais assez classique dans ma vision de la culture et Pīna’ina’i, c’est une autre vision. Mais j’ai rencontré Moana’ura Tehei’ura et j’y suis allée. Teura Marakai, qui est auteure, oratrice, m’a vue sur la scène de Pina’ina’i et elle m’a proposé de faire mon premier Heiva en tant qu’oratrice. J’avais peu de temps pour apprendre le texte. Pendant la préparation, c’était les montagnes russes, j’avais des nœuds à l’estomac, car je suis perfectionniste et je ne me sentais pas tout à fait légitime. »

Merehau Buchin Femmes de Polynésie

Mais Merehau prend sur elle, dépasse sa peur et participe.

Le festival Parau Ti’amā

En 2025, elle se laisse embarquer dans une nouvelle aventure.

« Hinanui Foissac, qui est auteure, avait écrit un texte. Elle cherchait un orateur ou une oratrice pour le déclamer lors du festival Parau Ti’amā et m’a alors demandé si j’acceptais. On s’est croisées, on a discuté. Je n’ai pas pu dire non. »

En quelques jours seulement, Merehau apprend le texte par cœur.

« Ma fille n’en pouvait plus ! Mais je voulais vraiment faire du mieux que je pouvais. Pour moi, c’est très important de ne pas trahir le texte. Je donne ma voix à l’auteur, je suis son porte-parole. »

Et si la peur est toujours là, Merehau a su, une fois encore, la dépasser et remporter un prix. Surtout, elle avoue :

Merehau Buchin Femmes de Polynésie

« Maintenant, je m’éclate vraiment ! »

1  Pīna’ina’i est un spectacle culturel polynésien qui a lieu tous les ans à Papeete.

Pauline Stasi 

Rédactrice

©Photos : Pauline Stasi, Sylvie Wongk, Vaiarii Mailion, Merehau Buchin, A. Chansin pour Femmes de Polynésie

Directeur des Publications : Yvon Bardes

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