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Culture

Mama Fauura, « La culture et l’artisanat ne font qu’un. »

Publié le 20 septembre 2024

Les odeurs s’entremêlent aux couleurs, les allées de fruits, de fleurs et de poissons nous guident à travers les voix des marchands. C’est au premier étage que nous nous rendons, à Fauura Créations. Dans cet endroit où nos yeux ne savent se poser, nous nous installons en face de Fauura Raipauni, artisane. 

TOUT POUR SA FAMILLE

Fauura Raipauni est une enfant de la presqu’île. Elle grandit à Tautira, dont elle parle encore à ce jour avec beaucoup d’amour. 

« Mon beau village. »

À 20 ans, elle rencontre celui qui deviendra l’homme de sa vie. Son mari est popa’a et avec lui, elle quitte son ile natale et s’installe dans l’hexagone. C’est là-bas qu’ils fondent leur famille. Seulement, au bout de quelques années, Fauura se languit des rivages qu’elle côtoyait autrefois.

« C’était le bout du rouleau, le mal du pays était là. Je tombais malade deux fois par an, le soleil de France n’est pas aussi chaud que celui de chez moi. »

De retour chez elle, la jeune femme se consacre à son conjoint et ses enfants. 

« J’étais maman au foyer et ça me convenait très bien. »

Mais les années passent et il est temps pour les oisillons de quitter le nid. Ses enfants souhaitent retourner en France pour leurs études. Le manque de moyens financiers pousse Fauura à ouvrir une activité d’artisane. Elle confectionne des bijoux, qu’elle vend en porte-à-porte, se fait remarquer par les dames de la haute société qui s’arrachent ses créations.  

SE FAIRE UNE PLACE AU MARCHÉ DE PAPEETE

Son affaire florissante la pousse à se rapprocher d’une association regroupant les artisans n’ayant pas les moyens d’avoir un espace individuel au Marché de Papeete.

 

« C’est difficile d’ouvrir une boutique ici. C’est pour ça que j’ai commencé par une association. » 

Le nom de Fauura résonne bientôt dans toutes les bouches qui murmurent dans la capitale, ses réalisations tantôt discrètes, tantôt excentriques conquièrent les cœurs des touristes mais également des polynésiennes. 

« Quand tu débutes, bien sûr que c’est compliqué. Mais en tant qu’artisan, tu touches le beau, le jeté devient le beau, tu vis avec le beau. » 

Bientôt, l’espace qu’elle occupe avec les autres artisans se libère. L’association a des dettes et ne peut plus assurer ses missions. Notre créatrice voit dans cet événement l’opportunité de se faire sa propre place au marché de Papeete. 

« Avant j’étais timide. Mais aujourd’hui la timidité, c’est fini. » 

LA CRÉATION D’UN LIEU MYTHIQUE

Aujourd’hui, la boutique de Mama Fauura est une réelle institution dans ce lieu où se mêlent authenticité et vitrines touristiques. 

« Être artisan, c’est être créateur, commerçant et négociant. » 

Un portrait d’elle, offert par un client, trône au-dessus des étagères débordantes de colliers de nacres et de coquillages. 

« J’ai fait de ma boutique un spectacle. Ma richesse c’est de ne pas faire comme tout le monde. »

À l’entrée du shop, une grande table recouverte d’une nappe à fleur est parsemée de projets en cours, de pièces à réparer. C’est ici-même que la magie opère. Figure emblématique du marché de Papeete, Mama Fauura accueille ses clients d’un large sourire.

L’ARTISANAT COMME ART DE VIVRE

Devenue un grand nom de la culture, Fauura est élue à la chambre de commerce, d’industrie, des services et des métiers de Polynésie française en 1975. 

« La tradition c’est la culture. Tout Tahiti se bat pour défendre la culture. Il y en a qui se battent pour que l’artisanat soit reconnu comme un vrai métier. »

En 2019, elle est nommée Chevalier dans l’ordre de Tahiti Nui, pour ses services rendus au Pays à travers sa volonté de mettre en avant la culture et former les jeunes aux métiers de l’art et de l’artisanat. 

« La culture et l’artisanat ne font qu’un. Les jeunes s’intéressent beaucoup à leur culture, mais il faut qu’on les accepte. » 

Persuadée, à juste titre, que son domaine est l’un des piliers de la tradition polynésienne, Fauura tient à nous en rappeler l’importance. 

« S’il n’y a pas d’artisans, il n’y a pas de heiva. Pas de tō’ere1, pas de more2, pas de pahu3. » 

LA TRANSMISSION DE SON SAVOIR, LE PARTAGE DE SA PASSION

Pendant 30 ans, elle intervient auprès des élèves du CMA de Papeete, faisant même partie du jury de présélection selon les années. 

« Grâce à cette école, l’artisanat ne se perdra pas. Lancez-vous dans l’artisanat. Il faut le faire, c’est un vrai métier. L’amour de l’artisan, c’est l’amour de l’artiste. Pour certains, on ne doit pas se mélanger. Mais il faut se mélanger, qu’on réussisse tous ensemble. » 

Sa petite-fille, Orama Nigou, qui a elle-même été étudiante au CMA, est dorénavant spécialisée en plumasserie et l’aide dans sa boutique, deux jours par semaine. 

« C’est agréable de travailler avec elle, parce qu’elle est douce comme ses plumes. » 

Mama Fauura est maintenant âgée de 82 ans. Rien ne semble arrêter cette femme qui ne cesse de rêver la création. 

« J’ai toujours fait des bijoux et aujourd’hui j’ai envie de faire autre chose, peindre par exemple. Ma petite fille fait aussi de la peinture, ça me console. La boucle est bouclée. » 

1 : tambour à lèvres, morceau de bois évidé présentant une fente dans le sens de la longueur et qui est utilisé comme instrument de musique à percussion

2 : jupe végétale souvent fabriquée à partir d’écorce de pūrau (hibiscus d’eau)

3 : tambour traditionnel

Cartouche

Rédactrice

©Photos : Cartouche pour Femmes de Polynésie

Directeur des Publications : Yvon BARDES

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