Guérisseuse des corps : quand l’image sert la thérapie de soi
Aujourd’hui, Femmes de Polynésie est allé à la rencontre de Cartouche, une artiste engagée dans la photographie polynésienne. Depuis son retour au Fenua, ses projets commencent à faire du bruit, et avant que des bouquets de fleurs n’explosent dans les cœurs, présentons cette âme littéraire aux consonances poétiques.
Cartouche nous livre son univers : Une tasse de thé à la rose en main et nous partons dans le terrier du lapin blanc.
UN PARCOURS MOUVEMENTÉ MAIS PASSIONNÉ
Enfant de la ville lumière, elle quitte rapidement le sol parisien à l’âge de 3 ans avec son frère pour grandir dans les bras du Fenua.
« J’ai grandi à Papara et j’ai fait quasiment toute ma scolarité là-bas. »
Sa passion dévorante pour la photographie est transmise par sa mère, jadis professeure de photographie à Paris durant 15 années.
« J’ai eu un appareil entre les mains quand j’avais 7-8 ans. Ma mère m’a offert mon premier appareil photo quand j’avais 13 ans. »
Elle poursuit sa passion dans les portraits et l’événementiel. Son bac Littéraire obtenu au Lycée Gauguin, elle retourne en France pour un parcours tumultueux bien qu’enrichissant.
« Je me suis retrouvée en France sans logement, sans travail et sans études. »
Mais cette instabilité n’empêche pas cet électron libre de se forger. Ainsi, les petits boulots s’enchaînent tout comme les nuits fraîches sur les canapés des amis.
« J’ai fini responsable de boutique pour du prêt-à-porter haut de gamme et de luxe à 19 ans. »
Un bref retour aux sources en Polynésie Française puis elle repart se spécialiser dans les neurodivergences¹ et les handicaps physiques.
« J’ai passé mon BAFA² et j’ai fini par être embauchée dans un programme expérimental inclusif. Un travail d’inclusion des enfants en situation de handicap dans les écoles classiques. Je suis devenue animatrice spécialisée dans l’encadrement des enfants en situation de handicap. »
LA THÉRAPIE PAR L’IMAGE
Durant toutes ces années, Cartouche continue de pratiquer passionnément son art en photographiant ses amis et s’inspire d’artistes tels que Nan Goldin ou Solenne Jakovsky.
« J’aimais beaucoup leur manière de mettre les corps en avant, sans jamais les sexualiser et toujours en montrant les petits détails qui nous rendent uniques et qui sont souvent des complexes. »
C’est une prise de conscience sur ce qu’elle pratiquait déjà à l’époque : créer des images d’hommes et de femmes pour les amener à une réappropriation de leur propre corps.
« Malgré tout ce qu’ils considéraient comme des imperfections, je les trouvais magnifiques, je voulais qu’ils se voient à travers mes yeux. »
En 2019, c’est l’affinage de la technique de manière autodidacte.
« J’ai envie de faire comprendre aux gens que la normalité, ça n’existe pas. La beauté en tant que principe social ne devrait pas exister. »
DANS LA PRATIQUE : ACCEPTER ET AIMER SON CORPS
Si nous devions résumer une séance de thérapie par l’image en quelques mots, ils seraient :chouchoutage, confiance, écoute et de bienveillance.
Le travail se concentre sur cette transformation de complexes en acceptation personnelle, tout en liant la patte artistique de la photographe. Un savant mélange finement réalisé avec une touche de poésie.
« Quand le modèle se sent à l’aise comme si on s’était toujours connus, là on commence à prendre les photos. »
L’objectif est de faire accepter aux modèles leur corps dans son entièreté.
« La séance en soi est très importante mais le résultat l’est tout autant. »
Cartouche nous invite donc à redécouvrir notre corps, à l’accepter tel qu’il est, un corps réel et hors normes.
« J’aimerais qu’ils arrêtent, en se regardant dans le miroir, de se dire tout ce qu’ils aimeraient changer. J’ai envie, quand ils se regardent dans le miroir après la séance, qu’ils voient tout ce qu’ils aiment chez eux. »
1Relatif aux personnes ayant un handicap développemental, intellectuel, cognitif, ou une maladie psychique.
²BAFA : Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur en accueil collectif de mineurs
³Shooter : Prendre des photos en anglais
Manutea Rambaud
Rédactrice Web
©Photos : Manutea Rambaud et Louise-Michele Cartouche pour Femmes de Polynésie