
Véronique Teheiura, passion coquillage !
Véronique a une passion : l’enfilage de coquillages. Une découverte consécutive à la Coupe du monde de Beach soccer en 2013. Cette année-là, elle accompagnait sa belle-mère artisane de Ahe, sur un stand artisanal. Depuis, Véronique est addicte à ce savoir-faire traditionnel. Elle le raconte à Femmes de Polynésie.
L’ARTISANAT, UNE DÉCOUVERTE
On entend bien souvent dire que l’artisanat traditionnel, comprenez la mise en œuvre de techniques, motifs et dessins hérités du patrimoine culturel polynésien, souffre du manque de jeunes praticiens. À Ahe, un atoll de l’archipel des Tumaotu-Gambier, Véronique Teheiura nous invite à revoir ce constat.
« Je suis une enfant des îles et ma belle-mère était artisane. Je l’aidais à confectionner ses produits. Et puis en 2013, j’ai décidé de participer avec elle à ma première expo. Elle a eu lieu lors de la Coupe du monde de Beach soccer. J’y ai rencontré d’autres artisans, tous aussi formidables les uns que les autres. J’ai aimé nos échanges et depuis, je n’ai plus quitté cette activité. »

Car en temps normal, Véronique est maman. Enfiler des coquillages ne faisait pas partie de son quotidien et les ramasser encore moins. Or pour obtenir la matière première, il faut se rendre à l’évidence : Véronique doit s’imposer une discipline de travail.

« On se lève tôt, d’abord pour préparer le repas de la journée. Ensuite, on prend masques, tubas et seaux ; les enfants prennent leurs bouteilles vides, puis direction le lagon où l’on passe la journée. »
Une routine qui ne déplaît pas à son fils.
« Le premier qui a rempli sa bouteille remporte, par exemple, un sachet surprise ! »
Sa motivation est telle qu’elle produit et réalise des objets authentiques. Et son activité rencontre un succès tel qu’elle a pu se constituer un capital et ouvrir sa boutique à l’aéroport. Colliers et couronnes ornent son présentoir. Ses pièces sont prisées par une clientèle friande de nouvelles couleurs.
« Les coquillages qui ont le plus de succès, ce sont les patiki. C’est comme de la porcelaine, mais en plus petit, encore plus petit qu’un ongle. Le dégradé de couleur va du jaune, bleu, blanc, vert blanc au marron. C’est vraiment une belle déclinaison. »
L’ARTISANAT, UN CHOIX DE VIE
Cette matière première, que l’on pourrait croire menacée, n’intéresse au final que trois artisanes de l’atoll.
« Nous sommes les seules à utiliser ce type de coquillages, et ne sommes pas nombreuses à faire ça. Ce métier exige beaucoup de patience. Il faut aimer, c’est une vocation. »
Aimer assembler des couleurs, des formes, des matières, c’est faire appel tant à la maîtrise d’un geste et des techniques qu’au sens artistique de l’artisan. Certaines artisanes ne manquent pas d’imagination et font preuve d’une grande créativité, tout en se renouvelant en permanence. Véronique est de cette trempe.
« J’aime ça, cela me permet d’exploser à l’intérieur de la tête. Je laisse libre cours à mon imagination. Quand tu vois un client qui est ébloui par ce que tu viens de créer c’est pour moi, ma plus belle récompense. »

Et bien que disponible gratuitement, la matière première une fois transformée mettra entre un mois et demi à 2 mois avant d’arriver sur les étals. Des vitrines que Véronique souhaiterait plus nombreuses pour l’archipel qu’elle représente. Le seul rendez-vous collectif annuel de décembre à Tahiti ne suffit pas à la promotion de ce précieux savoir-faire.
« Je suis dans le comité, c’est dur à organiser à cause de la distance. Nous n’avons que très rarement du passage comme les paquebots. Les Australes sont sur le trajet des croisiéristes, tandis que chez nous, c’est très rare de les voir débarquer. Donc pour envoyer notre produit, ce n’est pas facile. »
Éclatement géographique, exigence du métier, être artisan aux Tuamotu-Gambier n’est pas une mince affaire. Pour autant, Véronique Teheiura, par son enthousiasme et son dynamisme, participe à changer notre regard sur ce choix de vie.
« À toutes ces personnes qui se disent que c’est un métier facile, venez essayer et vous verrez que cela prend beaucoup de temps et demande beaucoup de patience. Ceux qui s’y sont essayé ont très vite baissé les bras, à cause de cet aspect. Ils n’ont pas vu l’intérêt de passer un bon moment en famille. J’ai gardé mon âme d’enfants, à 36 ans. Tu ne vois pas le temps passer et tu réalises que tes bouteilles se remplissent très rapidement. Mon fils a conscience du trésor qu’il a entre les mains »
À Ana, Ahemani, Fakarava, Takaroa, Napuka, Kauahi, Raraka ou encore Rangiroa, l’enfilage de coquillages est à cette région de notre Polynésie ce que le tressage est aux Australes ou la sculpture aux Marquises. Véronique est consciente que son activité ne lui permet pas d’avoir un SMIG…
« Mais ça permet de payer beaucoup de choses, comme l’essence pour conduire en bateau mon fils tous les jours à l’école. Et rien que pour ça, je suis fière de ce que l’on m’a transmis et le transmets à mon tour ! »

Jeanne Phanariotis
Rédactrice web
© Photos : Véronique Teheirura, Service de l’Artisanat Traditionnel
Directeur des Publications : Yvon Bardes



