Vaihere Pahuiri, l’humain au cœur de la formation
Femmes de Polynésie est allée à la rencontre de Vaihere Pahuiri, la directrice du Centre de Formation des Gens de la Mer (CEFOGEM), sur son site de Motu Uta. Depuis avril, dans cette entreprise à taille humaine, la jeune Polynésienne prend à cœur sa mission de chef d’orchestre, tant dans le management que dans les formations proposées, avec une vision empreinte de bienveillance.
Un parcours professionnel marqué par les défis
Avec un beau-père marin et une mère responsable du personnel à la base aérienne de Faa’a, Vaihere Pahuiri quitte Tahiti pour l’Hexagone à l’âge de 15 ans.
« Mon cœur était ici, mais il m’a toujours fallu suivre mes parents. Finalement, je me suis dit que j’allais me former en France. J’y ai obtenu tous mes diplômes et j’ai choisi le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. J’avais besoin d’être rassurée et de me dire que lorsque j’allais revenir, j’allais pouvoir trouver facilement un emploi. »
Devenue sommelière, la jeune femme connaît un accident de parcours, doit se réorienter et reprendre des études. À 27 ans, elle choisit un BTS en négociation relation client, suivi d’une licence et d’un master en ressources humaines, un domaine qui l’a toujours attirée.
« Après des années dans l’hôtellerie, repartir à zéro, avec un enfant en bas âge… Là, tu essaies de prendre les bonnes décisions parce que tu n’as plus envie de perdre de temps. Tu veux te dire que, cette fois-ci, c’est la bonne. Pour se réorienter, ça a été compliqué, mais j’ai finalement repris des études en alternance. Avec du recul, je me dis qu’il n’y a pas d’âge pour se former. »
Animée par le désir de retourner au fenua, Vaihere revient dès qu’elle le peut, forte de ses compétences universitaires. Elle saisit l’opportunité en décrochant un poste dans les services RH du secteur de la grande distribution de la Polynésie française. Depuis avril, elle est directrice du Centre de Formation des Gens de la Mer.
Reconnaissance, bienveillance et formations
Au vu des obstacles rencontrés, la vahine a toujours accordé une importance particulière à la formation, tant durant ses études en ressources humaines qu’aujourd’hui, dans sa conception du management.
« Accueillir un collaborateur, c’est important. Cependant, il est encore plus important de développer son employabilité ou de l’accompagner vers la sortie, que ce soit pour une réorientation professionnelle ou pour la retraite. Pour moi, le rôle d’un employeur est de fidéliser le collaborateur. Il est essentiel de lui accorder non seulement une rémunération, mais surtout une considération, une reconnaissance professionnelle et un accompagnement dans la réalisation de ses tâches. Les employés sont les compétences de l’entreprise et de ses projets, et, moi, je suis juste le chef d’orchestre. Il faut juste que cela soit sincère. J’aimerais qu’ici, chaque employeur comprenne ça »
Sortir de sa zone de confort
«Je souhaite que mon parcours puisse apporter un plus afin d’adapter notre communication et nos contenus de formation à un public local. En effet, jeune adolescente polynésienne nouvellement arrivée dans un lycée en France, je n’avais pas une maitrise adéquate de la langue de Molière, ce qui m’a obligé à faire plus d’efforts que la plupart. Il a fallu sortir de ma zone de confort, c’était compliqué mais très formateur, et je remercie mes parents, même si ce n’était pas le cas à l’adolescence ! Aujourd’hui, j’ai grandi et ai peut-être une autre vision que quelqu’un qui a toujours vécu sur notre fenua. »
Des formations axées sur le social
Depuis qu’elle a rejoint CEFOGEM, qui propose depuis 2019 des formations maritimes (CFBS1 et CPL2), terrestres (formations sécurité telles que SST3 ou PSC14), et des formations incendie (comme LCF5, EPI6 ou ESI-ARI7) sur son site de Motu Uta, Vaihere s’épanouit dans son poste de management. Elle apprécie la diversité des tâches, la créativité nécessaire pour innover et trouver des solutions, ainsi que la taille humaine de l’entreprise qui permet un travail de proximité, répondant au plus près des besoins du public.
« J’ai fait beaucoup de scoutisme dans mon enfance et j’y ai appris les valeurs suivantes comme l’équité et l’altruisme. J’aimerais essayer de développer ça davantage dans le monde professionnel. La chance doit être donnée à qui le souhaite. Aujourd’hui, il existe le fonds paritaire de gestion8 qui est très présent et qui aide les entreprises à financer des formations. Et pourquoi ne pas adapter des formations pour les sans domicile fixe ou ceux qui n’ont pas les moyens financiers ? »
Une idée sur laquelle elle a travaillé lors d’un hackathon avec l’association Te Torea pour insérer un SDF dans un emploi pérenne. Une autre idée à développer : reprendre le concept des cafés suspendus9 en Polynésie pour aider les plus démunis.
« Être altruiste, c’est ce que je suis aujourd’hui et ce que je veux être demain. En tant que manager, j’aimerais que nous travaillions sur nos forces et nos faiblesses pour pouvoir toujours nous améliorer. Un bon leader, c’est être reconnu comme tel par son équipe. Il inspire, dirige avec bienveillance, donne l’exemple et en tire ainsi un respect et une autorité informelle. »
1 Certification de Formation de base à la Sécurité
2 Certificat de Pilote Lagonaire
3 Sauveteur Secouriste du Travail
4 Prévention et Secours Civiques de niveau 1
5 Lutte Contre le Feu
6 Équipier de Première Intervention
7 Équipier de Seconde Intervention et Appareil respiratoire isolant
8 Accompagne et finance les formations professionnelles des salariés
9 Geste solidaire importé d’Italie dans l’Hexagone en 2013, consistant à payer deux boissons et n’en consommer qu’une, l’autre étant offerte à une personne démunie qui la demandera
PORTRAIT MIS EN AVANT PAR CEFOGEM
CL Augereau
Rédactrice
©Photos : CEFOGEM et CI Augereau pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES