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Culture

Margaux Bigou et ses illustrations chimériques nous invitent à sortir de la carte postale

Publié le 10 novembre 2023

C’est sur un fond de Cumbia que Margaux Bigou, artiste illustratrice et créatrice de fanzines(1), se confie à Femmes de Polynésie sur son métier, son envie de partager avec les jeunes générations et son engagement associatif. Ici vous croiserez des mots aussi étranges et mystérieux, (risographe, fanzine,…) que les créatures qui peuplent les créations de Margaux, bon voyage…

Suivre sa voie

Installée depuis bientôt deux ans à Tahiti et accompagnée de son fidèle risographe(2), Margaux a décidé il y a plusieurs années, de faire de l’illustration son métier. Margaux dessine pendant de longues heures, des créatures mélancoliques et psychédéliques qu’elle pare de dégradé puis elle leur donne vie avec la risographie.  donnant à voir un univers insulaire inédit et contemporain. 

« Je suis artiste illustratrice à mon compte. Je produis pour moi-même et je distribue mes productions toute seule. J’imprime des livres d’art, je fais tout de A à Z : illustratrice, imprimeuse, vendeuse. J’ai toutes les casquettes ! Je prends aussi des commandes d’illustration, pour des clients qui sont surtout à l’étranger. Je participe aussi à des résidences artistiques et je donne des cours pour adultes et pour enfants. »

Petit retour en arrière, après avoir passé son bac à Nouméa, là où elle a grandi, Margaux s’envole pour Paris où elle va suivre pendant un an, une formation professionnalisante dans le domaine de l’illustration(3). Une formation très enrichissante, qui lui fait découvrir les différentes facettes du métier et qui l’emmène aux quatre coins de la France à l’occasion de festivals d’art comme celui de la bande dessinée à Angoulême. C’est le premier contact avec le monde du fanzine. Avec sa classe, ils conçoivent trois livres cette année-là.

A l’issue de cette année en illustration, Margaux réussi les concours d’entrée de différentes écoles d’art, et choisit l’ENSAD à Paris. Elle intègre la spécialité de cinéma d’animation, qu’elle voit comme une continuité de l’illustration.

« Je voulais animer, savoir monter, apprendre d’autres choses. »

Partir loin pour mieux revenir

Lors de son échange de 6 mois à l’école Parsons à New York, elle revient à son premier amour, l’illustration, et s’intéresse encore plus au fanzine, après avoir suivi les cours de l’illustrateur Steven Guarnaccia. Les Etats-Unis étaient, par rapport à l’Europe, plus tournés vers ce type de support, notamment avec la libraire “Printed Matters” qui organise différents salons aux Etats-Unis. Margaux voyage de festivals en festivals, pour montrer son travail et se faire connaître. Consécration ultime : deux de ses fanzines sont exposés dans des musées, dont le Metropolitan Museum of Art à New York.

 

Mais Margaux a le mal du pays, elle veut revenir dans le Pacifique, se rapprocher de sa famille et de l’île où elle a grandi, la Nouvelle-Calédonie. Elle postule donc à la résidence artistique “Création en cours” des ateliers Médicis, qui l’envoie à l’école Maripehe à Mataiea, initier une classe de CM1 à l’illustration et surtout aux fanzines. Les enfants ont pu mener de multiples projets autour des fanzines. Ils s’y expriment à travers plusieurs thèmes : les vacances, le Tere Fa’ati(4), créent des pochettes uniques pour ranger leurs fanzines à partir de matières locales comme le niau et le tapa. A la fin de l’année, les enfants tiennent leur propre stand dévoilant leurs productions, dans un “fanzine festival” qui accueille les parents et les autres enfants de l’école. 

« J’ai vraiment eu la chance d’être très bien accueillie à Maripehe. Les enfants avaient toujours des attentions pour moi. »

S’engager pour la vie locale

Par la suite, Margaux participe à une autre résidence artistique, la résidence “Transat” avec les ateliers Médicis, en accord avec la Mairie de Punaauia, elle choisit la maison de quartier de Taapuna. Pendant un mois, tous les mercredis et vendredis après-midi, elle fait découvrir l’illustration aux enfants. “Ce qui mène au projet des Motus : une série d’édition autour de la Polynésie”. Chaque fanzine issu de cette trilogie aura le nom de “Motu”, formant ainsi un archipel. Des après-midis passés avec les enfants naîtra “Motu Piti”, qui regroupe leurs illustrations mélangeant dessins d’observation et extraits de leurs fanzines personnels. Avec “Motu hō’ē”, le premier fanzine de la trilogie, Margaux invite d’autres artistes locaux à créer autour du thème “Quitter la carte postale”. Et pour compléter la série, “Motu Toru” est un fanzine pop-up, plus expérimental et personnel. Cette trilogie est imprimée en risographie, esthétique caractéristique du travail de Margaux.

On le devine à travers ses actions : Margaux est impliquée dans la vie locale. Depuis trois ans, elle anime des ateliers pour les scolaires au salon du livre. Cette année, l’atelier fanzine reprenait le thème de  “Motu ho’e” : sortir de la carte postale. Et pour l’atelier fresque, elle propose aux enfants de dessiner le futur tel qu’ils l’imaginent sur leur île.

En parallèle, Margaux est aussi engagée auprès de deux associations : le Rotaract, qui regroupe les jeunes du Rotary Club, et les Amis du Musée de Tahiti et ses Îles (AMTI). Avec ces derniers, elle propose des ateliers et participe à différents salons du livre, à la presqu’île et à Moorea. A ses yeux, c’est important d’aider à sa manière. 

« Je fais partie de deux associations, je fais du bénévolat pour les Amis du Musées et le Rotaract. J’aime bien faire du bénévolat, faire des ateliers dans ce cadre-là  »

« S’encrer » dans le réel et continuer à rêver

Pour les jeunes générations qui rêvent de travailler dans l’illustration, il faut croire en soit,  même si on a le sentiment de ne pas avoir toutes les clés pour y arriver. D’après Margaux, on peut venir d’une petite île, et partir faire ses études ailleurs afin de revenir mieux équipés. Elle a pu bénéficier de bourses pendant ses études, et il nous semble que sa détermination et sa patience ont fait le reste. Si on veut se lancer dans l’illustration, conseille-t-elle “il faut s’accrocher, être très motivée, partir loin”. Selon elle, il est important de partir: cela permet de prendre du recul, de grandir et de se remettre en question sur l’endroit dans lequel on a toujours vécu.

« C’est en étant loin qu’on se rend compte de la chance qu’on a [..] et d’avoir du recul sur l’île dans laquelle on vit […] le besoin de sortir de l’île pour y revenir. »

 Elle a conscience que ce n’est pas toujours évident pour tous, mais c’est salutaire pour aller au-delà de “l’écran” qui est la seule vision qu’on a du reste du monde. Surtout dans le domaine de l’art, où, se confronter à quelque chose de différent visuellement et sensoriellement est très intéressant. 

L’avenir de Margaux se teinte de projets collectifs avec d’autres artistes locaux. Elle souhaite aussi continuer à développer sa maison d’édition: Koutchy(5) Editions.
Et à très long terme, elle envisage un festival de fanzines à Tahiti ! Mais dans un premier temps, elle souhaite diffuser “à l’ancienne”, selon ses termes, partir à la rencontre des autres, leur donner envie de se lancer aussi.

« Peut-être en venant d’une autre île francophone du Pacifique, on partage une certaine réalité. Le fanzine n’est pas encore connu ici, donc il faut aller vers les gens, les faire collaborer, montrer qu’on peut faire des livres différemment, de façon contemporaine, des livres où il n’y a pas seulement du texte… […] Aller dans les écoles, montrer aux enfants ce qu’ils peuvent faire, car c’est eux le futur. .  »

Si vous voulez vous initier aux fanzines, retrouvez Margaux les premiers et derniers samedis du mois à la Maison de la Culture.

1 Fanzines: livres d’arts en micro-édition

2 Risographe: photocopieur grand volume, rapide et peu coûteux né au Japon dans les années 50. La technique d’impression avec le risographe offre une esthétique unique grâce à la superposition de couleurs vives, pour un rendu tramé et artisanal, à mi-chemin entre la sérigraphie et l’impression off-set.

3 Formation au Lycée de Corvisart, Paris 13ème

4 Tour de l’île

5 Koutchy: cri, en quelque sorte le “Souiiii” calédonien

Cattleya Malejac

Rédactrice

©Photos : Cattleya Malejac pour Femmes de Polynésie

Directeur des Publications : Yvon BARDES

Pour plus de renseignements

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