Céline, une communicante au fil de l’eau
Le regard est doux et le sourire, éclatant. Elle aime l’eau, de la mer, des rivières, des cascades, de la pluie, de la douche, de nos verres… Et l’eau qui est en nous, le constituant majoritaire de notre corps.
Nous sommes très fréquemment en contact avec cet élément, mais en avons-nous seulement conscience, ici en Polynésie, où l’eau ne semble pas manquer ? Sommes-nous encore connectés, ou pas, avec cet or bleu ? Femmes de Polynésie a rencontré Céline Hervé-Bazin, docteure en communication et spécialiste de l’eau, à qui l’eau parle et qui nous en parle à travers son parcours de vie.
Une enfance au bord de l’eau
Née en France, c’est au Maroc que Céline grandit jusqu’à l’âge de 7 ans. Dans ce pays d’Afrique du Nord, les ressources en eau sont faibles et les périodes de sécheresse n’y sont pas rares. Mais Céline en garde de merveilleux souvenirs :
« Ma grand-mère était entrepreneure en constructions mécaniques. Elle gérait 25 ouvriers marocains. Je naviguais dans un univers fait de constructions, d’acier, d’inox. Petite, je nageais, pêchais, mon lien avec la mer est très fort. »
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À l’âge de 7 ans, c’est le choc, l’arrivée en France et la vie en région parisienne.
« J’étais le garçon manqué, une espèce de poète dans la lune, plutôt douée comme enfant, avec des notions d’arabe. Je ne connaissais pas les codes français, ni les barbies et les petits poneys. En France, quelques jours après la rentrée, les enfants m’ont fait glisser sur un toboggan avec des orties. Cela n’a pas été facile. »
Quoiqu’il en soit, Céline passe toutes ses vacances de Pâques et d’été au Maroc, qui est un peu sa terre-racine.
« J’ai toujours su que j’irai en Polynésie. À la mort de ma grand-mère, j’ai retrouvé un de mes anciens dessins qui lui était destiné : c’étaient des vahine ! Avec écrit « gros bisous » dessus. Un signe. (Sourire) »
Étudiante – chercheuse plongée dans l’eau
Le bac en poche, Céline part étudier plus d’un an aux Etats-Unis à UCONN, l’université du Connecticut et à Cornell dans l’état de New York. Elle y vit une vie de campus internationale riche et y observe une approche de la recherche « intelligente », avec beaucoup de moyens.
« J’ai contribué à payer mes études en faisant des petits boulots de serveuse, vendeuse, hôtesse au sol pour Air France. Ça m’a mis la pression, mais aussi appris à me battre, à chercher les contrats. C’était très formateur, je remercie mes parents pour cela. »
De 2005 à 2008, Céline prépare une thèse sur la problématique de l’eau en travaillant à la Lyonnaise des Eaux à Paris et Dunkerque, mais aussi à Casablanca au Maroc.
« De l’invisible au visible : le but était de comparer la maman qui se retrouve face au problème de comment avoir de l’eau, comment la payer et comment procéder pour communiquer avec elle. »
Experte dans le domaine de l’eau
En 2008, c’est l’année de l’eau et de la femme, Céline finit sa thèse dont l’eau était le point central.
« Tout à coup, je suis devenue une experte, immergée dans des ateliers de conférences au Congo, au Maroc, en France, en Roumanie, aux USA… Mon 1er vrai emploi c’était un CDI à la Commission Européenne. »
À 28 ans, Céline devient directrice de la plateforme WssTP, ou plateforme européenne de l’eau.
« J’aimais beaucoup voyager, mais j’étais presque en burn out. J’ai démissionné et me suis lancée à mon compte en tant que consultante en communication spécialisée sur l’eau. J’avais 30 ans. »
En 2012, Céline publie deux livres : « raconte-moi l’eau » et « l’invisible lien » aux Éditions Autrement. C’est aussi l’année du Forum Mondial de l’eau. Elle repart alors sur le terrain : Ethiopie, Egypte, Kenya… En 2014, elle sort un 1er livre de recherche sur la communication sur l’eau avec 12 chercheurs du monde entier. L’ONU comprend le message et Céline recommence alors à donner des conférences sur l’importance des recherches sur la communication sur l’eau.
Imprégnée par la Polynésie
À Paris, la mer lui manque. En 2014, Céline vient pour la première fois en Polynésie pour un contrat de trois mois avec La Polynésienne des Eaux. Elle travaille alors sur comment accompagner les représentations sociales et culturelles de l’eau et rencontre une trentaine de femmes dans les îles.
« En sortant de l’avion, je me suis sentie chez moi en Polynésie, alors que j’ai visité une cinquantaine de pays. Cette mission a été une première approche, proche de la population. J’ai dit à ma sœur, j’ai 33 ans, j’ai donné 10 ans de ma vie à l’eau, je vais prendre ma retraite en Polynésie. »
La même année, Céline vient s’installer en Polynésie où elle est Professeure de communication à l’ISEPP.
« En octobre, je donne mes premiers cours. Aujourd’hui, certains élèves sont en master, d’autres en CDI, d’autres entrepreneurs. Je me suis diversifiée, j’ai une expérience de communication à défendre. Maintenant je travaille sur pleins de sujets, je change de perception. »
Ce jeudi 22 mars 2018, lors de la journée mondiale de l’eau, cette amoureuse de l’eau donnera une conférence à l’Université de Polynésie Française, dans le cycle des « savoirs pour tous ». Le sujet ? L’eau visible et invisible dans la culture polynésienne.
« Edgar Tetahiotupa m’a demandé O Vai Oe ? Qui signifie : de quelle eau es-tu faite, ou bien qui es-tu ? L’eau est très présente dans de nombreux noms polynésiens : PAPEETE, VAIETE… C’est pour dire l’importance que revêtait l’eau dans la société polynésienne d’antan. »
Le message de Céline est clair et limpide : se reconnecter à l’eau à l’intérieur de soi, retrouver la part du sacré qu’il y a dans l’eau. L’association dont elle fait partie, Vaihere Light Center, ou « source d’amour et centre de lumière », a pour objectif de sensibiliser sur les pratiques sacrées polynésiennes liées à l’eau. Céline en est persuadée : « la culture polynésienne est belle, son peuple peut en être fier et célébrer leur eau, leurs racines et d’être polynésien ». Faisons-nous confiance : il est temps de se jeter à l’eau, de croire en soi et d’avancer.
Plus d’informations
Sur la page Facebook Vaihere Light Center
Tehina de la Motte
Rédactrice web
© Photos : Femmes de Polynésie (couverture), Céline Hervé Bazin