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Portrait

Mélodie, le miconia un nuisible bien utile

Publié le 6 mai 2019

C’est une jeune femme atypique que nous vous présentons aujourd’hui. Mélodie est une boulimique de projets divers dont l’un d’eux vient d’être primé : faire de la vaisselle biodégradable à partir de miconia. Cette fonceuse inspirée à la passion communicative raconte son parcours à  Femmes de Polynésie.

UNE ENFANT SURDOUEE

D’emblée, Mélodie annonce qu’à l’âge de six ans elle a été diagnostiquée hyperactive surdouée. Une précision qui explique ce débordement de dynamisme, d’optimisme, cette volonté presque boulimique de se lancer dans des projets. Deux ans plus tard, alors qu’elle n’avait donc que huit ans, elle réfléchissait déjà à la conception de projets. A cet âge-là, elle était, aux yeux de son entourage et de la société en général, beaucoup trop jeune pour être entendue et encore moins crédible.
Elle se rappelle d’ailleurs du test du puzzle que lui avait imposé son parrain : à six ans, il lui offre un puzzle de 10.000 pièces. La contrainte qu’il lui a imposée : mettre dans le puzzle une seule pièce par jour, sans tricher, ce qui est une torture pour une gamine hyperactive mais qui lui montrera que tout est une question de temps. Ce trait de sa personnalité, qui saute rapidement aux yeux, se traduit dans notre conversation par le fait que les idées s’entrechoquent toujours dans un enthousiasme permanent.

« A quatorze ans, je me mets à travailler, et me lancer dans diverses formations »

Alors qu’elle est étudiante, elle multiplie trois boulots dans le tourisme et la restauration tout en se passionnant pour la recherche scientifique et sa méthodologie. Elle a été élevée par sa grand-mère, secrétaire générale de la Gendarmerie Centre, qui lui a donné une éducation stricte et son papi qui était manuel et tout le temps fourré dans son fa’apu, tandis que sa maman voyageait tout le temps pour son travail.
Mélodie, parmi toutes les cordes de son arc, a aussi appris à être formatrice. Elle est contactée pour former les employés d’une franchise d’enseigne de Café dans un magasin local qui vient d’ouvrir, en plus des formateurs américains de la franchise. Auparavant elle travaillait à Drink’Up, une petite enseigne qui s’était fait connaître pour ses délicieux Bubble Teas, et elle avait pu décrocher son titre de « barista » : experte en cafés et en thés.
Mélodie multiplie les formations, pour savoir de quoi elle parle, avec l’idée sous-jacente de devenir un jour business woman.

« j’aime apprendre tout le temps, je suis une boule de feu et ça fuse tout le temps »

Aujourd’hui, Mélodie suit encore une formation en ressources humaines avec le CNAM par correspondance. Cela lui permettra de faire du recrutement dans les start-ups qu’elle pourra monter. Car si elle veut faire plein de choses, elle s’impose l’obligation d’acquérir en amont les compétences requises.
Un projet mondial du coopérathon voit le jour. Une démarche internationale qui récompense des projets innovateurs réalisés en équipe, en suivant une méthodologie imposée. Mélodie, porteur du projet, aidée de deux étudiants tahitiens étudiants à Montréal qui avaient pour but d’ouvrir un cabinet d’experts pour les porteurs de projet dans le secteur de l’économie circulaire, se lance dans son idée d’utiliser les plantes invasives en général et le miconia en particulier. Le but est de proposer de la vaisselle biodégradable en thermo-formant des feuilles de cette plante.

« mon projet miconia, je l’avais déjà quand j’étais petite fille. J’étais fascinée par la couleur violette du dessous des feuilles et j’en parlais à mes grands parents »

Mélodie, enfant, ne regardait pas à la télé les dessins animés comme les petites filles de son âge. Très tôt elle était fascinée par les documentaires et notamment ceux de Discovery Channel. Un reportage sur le Brésil et l’Amazonie l’avait marquée : on y parlait du miconia. Un autre reportage sur le Népal lui a montré des femmes qui faisaient des emballages à base de feuilles. En même temps, Mélodie découvre les machines qui permettent de former des moules, des assiettes qui sont disponibles sur internet.
Elle se met à faire la carte d’identité du miconia : une étude complète qui va des graines à la racine.

BOUSCULER LES CERTITUDES DES SCIENTIFIQUES

Mélodie prend un malin plaisir à faire des recherches et des études qui peuvent bousculer les théories établies des scientifiques. Dans le cas du miconia, les chercheurs se sont penchés sur les molécules de la plante et les moyens de lutter contre son développement. C’est là que la logique de Mélodie est merveilleuse puisqu’elle explique que c’est une plante envahissante comme son nom l’indique mais qu’il y a un moyen de la valoriser, de l’utiliser et pas de la détruire. Elle prend d’ailleurs une métaphore amusante :

« C’est comme chez l’être humain : il y a des cons et des connes partout dans le monde, mais ce n’est pas pour autant que ces gens n’ont pas en eux certaines qualités, certaines compétences »

Les scientifiques face à qui elle s’est retrouvée étaient plein de préjugés. Notamment le fait qu’ils pensaient que Mélodie voulait faire pousser du miconia dans des serres… et ils lui reprochaient aussi le fait que le projet ait été présenté au coopérathon.
On lui a demandé pourquoi son projet ne se faisait pas avec des feuilles de purau ou de bananier… et Mélodie lui explique qu’il fallait que ce soit un projet innovant, et pas la reprise d’un procédé déjà fait ailleurs. Et le miconia c’était nouveau, et présentait l’intérêt d’utiliser une espèce invasive.
Elle regrette de s’être heurtée à des idées préconçues de scientifiques locaux sans qu’on lui laisse la possibilité d’exposer son projet. D’autant que Mélodie a aussi des idées futures pour l’utilisation des racines du miconia.

« On a décroché au coopérathon, le premier prix environnemental international »

Après expertise des spécialistes de l’innovation du coopérathon, Mélodie, Lou et Loanah décrochent le premier prix environnemental international. Aujourd’hui Mélodie se renseigne pour avoir des devis sur les machines qui seraient nécessaires à la réalisation de son projet et qui permettrait un développement également dans les archipels. Le miconia, une plante qui est certes invasive, mais qui en revanche n’est pas toxique, détail qu’elle a aussi appris de son grand-père.

« Je suis étonnée que les scientifiques pensent depuis plus de 20 ans à la manière de lutter contre le miconia, et que personne n’ait jamais imaginé qu’on puisse le valoriser »

D’autant qu’elle déborde d’idées et que son projet de valorisation des racines du miconia repose sur un process qu’elle a déposé à l’INPI (l’Institut Nation de la Propriété Intellectuelle) qui consiste à les associer avec une partie du fruit du noni. Le but : éradiquer toutes les larves de moustiques, y compris les moustiques tigres.
Et c’est la curiosité et la passion qui sont toujours le moteur de Mélodie, plus que le fruit de longues études de biologie. Cela ne l’empêche pas de s’inscrire dans un groupe de jeunes d’Outre-Mer auprès de qui elle recense toutes les espèces envahissantes au monde. Une autre espèce envahissante locale : le falcata dont les abeilles raffolent. Et Mélodie a aussi une idée avec les abeilles… un autre avec la fourmi de feu…
Elle n’arrête pas, et, devant son enthousiasme et sa conviction, on est persuadé qu’elle fera avancer tous ses projets, mais aussi les projets des autres car son énergie elle la met aussi au service de tous ces jeunes polynésiens qui, après une prise de conscience, veulent faire bouger les choses, pour leur fenua et pour la planète.


Laurent Lachiver
Rédacteur web
© Photos : Mélodie

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