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Société

Une seconde chance pour la jeunesse, le combat de Marie-Lou

Publié le 4 décembre 2020

“Je ne suis pas la seule qu’il faut mettre en avant, mais tous ceux qui m’entourent, sans qui Arii Heiva Rau n’existerait pas.” C’est avec ces mots que Marie-Lou Bygorre nous accueille. Nous avons tenu à vous partager notre émouvante rencontre avec une de ces Femmes de Polynésie, qui consacrent leur vie aux autres.


L’amour d’un père

Marie-Lou vient au monde il y a plus d’un demi-siècle, dans une famille polynésienne, à Moorea. Du sang chinois, tahitien, allemand et philippin coule dans ses veines. Son père, « un pur Chinois du Canton », est maraîcher, et fait vivre modestement des fruits de sa récolte sa famille et ses 4 enfants.

« J’ai perdu ma maman à l’âge de 7 ans. Mon papa s’est battu pour nous donner la force d’aller de l’avant. Il a endossé le rôle de papa et de maman: il tressait mes cheveux, lavait nos linges, cuisinait, en plus de son travail. »

Marie-Lou et son mari Gilles (au milieu), sa sœur Irma et son mari Jacques (à gauche), son frère Jean-Pierre et son épouse Sylvia (à droite)

Il inculque à ses enfants, dont la dernière n’a que 3 ans, des valeurs d’humilité et d’humanité, de dignité et de respect.

« On aidait papa dans le fa’a’pu, puis on marchait jusqu’à l’école, à 4 km de la maison, qu’il pleuve ou qu’il vente. Il fallait aller à l’école ! »

Marie-Lou a 10 ans quand sa tante, la sœur de son père, propose de la prendre avec elle, à Tahiti, et l’inscrire au Collège Anne-Marie Javouhey.

Arii Heiva Rau - Centre de loisirs sans hébergement et vacances scolaires à Papetoai

 « Je préférais retourner chez mon papa et ma famille, où l’humain et l’entraide existent.» 

Sa famille d’adoption, ses anges gardiens

Marie-Lou a 11 ans, quand le yacht d’un couple d’Américains jette l’ancre dans la baie d’Opunohu. Curieux, Marie-Lou et les autres enfants du quartier vont souvent les voir. Au bout de 3 mois, la barrière de la langue n’est plus.

« Une relation de confiance s’est instaurée entre nous. Je leur avais parlé de mes peurs de ne pas réussir dans la vie, car mon papa n’avait pas les moyens. »

Ému par cette petite fille à la réflexion mature, le couple propose de l’adopter.

« Mon papa leur a répondu : c’est à ma fille de décider. »

Arii Heiva Rau - Activités en plein air

Marie-Lou accepte, à condition de garder son nom de jeune fille chinois, KONG YET SAN.

« Je ne voulais pas qu’on efface le nom de mon papa de mon identité. »

Elle grandit aux côtés de ses parents adoptifs, dans l’amour et l’harmonie, tout en maintenant et préservant sa relation avec sa fratrie et son père – qu’ils appellent affectueusement “papa  KONG”.

Arii Heiva Rau – Atelier couture

« Aider ceux qui sont dans le besoin »

« En rentrant du lycée, je voyais de plus en plus de mes anciens camarades dans la rue. Je disais à mon papa adoptif : “Ce n’est pas normal, il faut que quelqu’un les aide !”, et il me répondait : “C’est peut-être toi qui le feras, Marie-Lou…” »

C’est ce que Marie-Lou veut faire dans la vie. Elle intègre une classe ETC 1 au collège de Pao Pao, pour apprendre tout ce que sa maman n’a pas eu le temps de lui transmettre : cuisiner, coudre, tenir une maison. Elle refuse de retourner dans une voie générale, elle veut un apprentissage pratique.

« Je voulais travailler dans l’humain, devenir infirmière. Alors j’ai intégré “Carrière sanitaires et sociales” à l’internat du Lycée du Diadème, au Taaone, où j’ai eu mon BEP. »

40 ans de sa promo “Carrières sanitaires et sociales” au lycée du Diadème, aux côtés de leur professeur Béatrice Vernaudon

Et puis une opportunité d’emploi s’ouvre à elle au Club Med de Moorea. Nous sommes loin de l’univers social auquel Marie-Lou aspire, mais la vie réserve parfois des surprises…

« Au Club Med, j’ai rencontré 3 autres anges gardiens : l’homme de ma vie, Gilles, et mes 2 associés, Sylvain Pauwels et Franck Castillo. »

Marie-Lou avec le Directeur James PAUWELS et Jade LY THAM, chargée de mission au contrat de ville

Arii Heiva Rau

« Faire quelque chose pour ces enfants dans la rue me travaillait au quotidien. J’en ai parlé à Sylvain et Franck. Ils ont décidé de m’aider à lancer mon association, et de s’installer en Polynésie, à Moorea. »

C’est ainsi que Arii Heiva Rau voit le jour en juin 2000, dans la commune de Papetoai, à Moorea – dans la cantine de l’école primaire, puis dans ses propres locaux, qu’elle occupe jusqu’à ce jour. Elle y accueille un public composé essentiellement de jeunes en difficulté, avec une action socio-éducative, formation, insertion, prévention de la délinquance, CLSH2.  

Rencontres avec la DJS et la MATJS

« En parallèle, nous organisons les animations pour les élèves à l’internat du lycée du Diadème. Je l’ai bien connu pour y avoir passé 3 ans, et 40 ans plus tard, rien n’y a changé. Je sais ce qui me pesait à l’époque, et j’aimerai pouvoir aider les jeunes qui y sont aujourd’hui. »

Alcool, paka, ice  et décrochage scolaire s’ajoutent aux conditions de vie des jeunes qu’elle côtoie. Certains ont à peine  11 ans, d’autres moins…. Pour les jeunes adultes, la réinsertion permet de changer la donne, de leur redonner confiance en eux, et dans la vie.

Arii Heiva Rau, dans le cadre du concours d'embellissement de la commune de Moorea, avec le service du Tourisme et Yepo, marraine

« Pour aider les jeunes, il faut leur donner un travail. Même s’il gagne 5000 francs/semaine , il peut acheter un sac de riz et un peu de poulet, de quoi manger. Beaucoup de familles n’ont pas de quoi manger ! Il faut combattre ça, et heureusement que nous avons nos institutions qui nous soutiennent. »

Avec le soutien inconditionnel de son mari Gilles, Marie-Lou, ouvre une pension de famille, la “Pension Marie Lou”, qui immerge les touristes dans la vie de Moorea, ses incontournables, mais aussi au cœur de sa richesse humaine.

« Il ne faut pas lâcher, ne pas baisser les bras. Mon papa me disait souvent : « Les personnes qui n’ont pas de rêves sont des personnes qui sont perdues. Toi, tu as un rêve, tu as un potentiel en toi, tu dois atteindre tes objectifs ! »

1 ETC : Employé Technique de collectivité

2 CLSH : Centre de loisirs sans hébergement

Lubomira Ratzova

Rédactrice web

© Photos : Arii Heiva Rau,  Marie-Lou Bygorre, Lubomira Ratzova

Pour plus d'informations

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