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Laiza, « Aue to'u ai'a nui e… A Tahiti na ia taua. »

Publié le 4 février 2019

En réaction aux menaces environnementales qui pèsent sur la planète en général et la Polynésie en particulier, de plus en plus d’associations et d’initiatives écocitoyennes voient le jour. Laiza Pautehea fait partie de cette réaction humaine globale et de ces courants écologiques, humanistes et sociétaux. Cette polynésienne hyperactive, convaincue et convaincante se confie à Femmes de Polynésie

Nous rencontrons Laiza un samedi matin alors qu’elle s’apprête à débriefer une réunion avec un groupe d’amis, tous engagés dans des actions éco-citoyennes. D’emblée, on constate que ce petit groupe fourmille de nombreuses idées pour mettre en place des actions liées à l’environnement et à la culture. C’est véritablement une joyeuse foire aux initiatives, menées par une génération fortement attachée à son fenua, qui croit dur comme fer à leurs projets et Laiza en fait partie.

UNE ARTISTE QUI S’INTERROGE

Elle nait en Nouvelle-Zélande d’un père marquisien et d’une mère originaire des îles Cook. On devine très vite son attachement viscéral à sa terre, à sa culture et à ses ancêtres, notions qui reviendront régulièrement dans notre entretien. Laiza est une femme volontaire, une fonceuse. Elle a  mis cette détermination naturelle en pratique lors de ses études d’arts plastiques.

Celle qui enseigne aujourd’hui cette discipline à Mataiea s’est battue pour son cursus à Aix-en-Provence puis à Paris, car elle est issue d’un quartier social défavorisé. Elle a mis en stand by sa 2ème année de doctorat alors qu’elle préparait une thèse au thème passionnant : « l’identité polynésienne et son rapport à la mondialisation ». Elle se demande si le polynésien d’aujourd’hui va garder son mana, sa culture et l’amour de sa terre. 

« Je me questionne en permanence : un projet comme l’immense ferme aquacole de Hao respecte-t-elle ou trahit-elle l’âme polynésienne ? »

Laiza a grandi à Tahiti et elle observe un fenua qui est en train de se dégrader. Elle ne cesse de se remettre en cause et s’interroge régulièrement sur le système dans lequel la Polynésie a été plongée. D’une manière plus générale et presque philosophique, Laiza a toujours en tête deux questions récurrentes : « qui sommes-nous aujourd’hui ? où allons-nous ? ». Seul l’instant présent, comme l’a écrit Eckhart Tolle, déterminera notre avenir. Ce que nous faisons aujourd’hui aura des conséquences pour demain et les générations futures.

« Notre société actuelle nous pousse vers une sorte de compétition où l’humain doit absolument gagner le plus d’argent possible pour, semblerait-il, être heureux. Or nous constatons que plus on gagne, et plus on pollue à travers de notre consommation »

Laiza se demande aussi si l’être humain ne devient pas un robot ou un mouton… Elle vit avec la nature et ce sont deux faits marquants de ces derniers mois qui agissent comme un déclic : d’abord la création du collectif contre la porcherie de Taravao et la marche de contestation et, conséquence de ce projet, la découverte d’un charnier de vaches sur le plateau de Taravao, ainsi que d’un dépotoir d’épaves de camions et de fûts d’essence dont les infiltrations causaient une pollution des eaux de Mitirapa.

Une véritable catastrophe pour la nature qui rappelait aux bretons qui ont signé la pétition, les dégradations qu’ils subissent actuellement dans leur région pour les mêmes raisons. Ce fut le départ de sa croisade pour lutter contre un système qui pervertit l’homme et qui l’a inexorablement détourné de la nature en multipliant toutes les formes de pollution.

« Je ne sais plus comment je dois manger »

Et en écoutant Laiza, on se rend compte que les effets secondaires de la mondialisation et de la surconsommation sont partout… Y compris au quotidien dans la nourriture avec tous ces additifs. Elle cite Pierre Rahbi qui disait « bientôt, à table, on ne dira plus bon appétit avant de manger mais bonne chance ! »…

Cette militante accorde une importance primordiale à la vérité, au point d’ailleurs, nous confie-t-elle, d’avoir révélé à sa fille que le père Noël n’existait pas. Car Laiza est favorable à la rêverie à condition que cela passe par de vraies valeurs. C’est pourquoi, sur les menaces globales qui planent sur l’être humain, elle cite en exemple le fameux film « une vérité qui dérange » de Al Gore.

« J’œuvre pour le climat, sans la moindre subvention et j’y tiens ! »

Laiza est partie en croisade et regroupe du monde autour d’elle, dans un élan joyeux et un enthousiasme contagieux. Parmi ses convictions, le fait qu’elle veuille rester libre, indépendante et transparente et fonctionne donc sans la moindre subvention et sans que la moindre notion d’argent n’intervienne. Toutes ses actions sont donc basées sur le bénévolat et la solidarité.

«  Ce n’est pas l’argent qui doit dicter la conduite des humains mais par contre c’est bel et bien l’humain qui doit le maîtriser »

Elle précise qu’il y a d’autres modes de fonctionnement : l’association avec une subvention, l’association qui reçoit le soutien financier de grandes entreprises, mais Laiza a donc choisi la voie 100% bénévole.

LA MARCHE POUR LE CLIMAT DE DECEMBRE 2018

Première grande manifestation organisée par Laiza : la marche pour le climat, à l’image de la mobilisation un peu partout en métropole. Une cinquantaine de personnes étaient présentes mais la nature optimiste de Laiza lui fait dire que c’était une amorce pour d’autres actions. À cette occasion, elle signale qu’il y avait une vingtaine de stands où avaient lieu des distributions gratuites de fruits, illustrant là encore les valeurs du partage et de solidarité qui manquent tant à notre société actuelle, comme faisaient les anciens.

« Le système consomme les humains. »

L’action de Laiza a été la conséquence d’une question qui planait sur les réseaux sociaux face aux sujets environnementaux et écologiques : est-ce que quelqu’un fait quelque chose à Tahiti ?
Elle voulait être une réponse à cette question, et voulait agir en passant à l’action.

Récemment elle a organisé un tour de l’île avec son camion qui, malheureusement, pollue, sur lequel elle a pris soin de mettre des drapeaux où apparaissait un polynésien tatoué accroché à sa terre. Avec son équipe du climat, elle remarque à cette occasion sur les différents points d’arrêt, l’incivisme de la population face à la nature (des déchets à n’en plus finir qu’ils ramassent dans sept gros sacs) Que s’est-il passé entre nos ancêtres et cette génération ? se demande-t-elle…

« Qu’est-ce que notre fenua a fait aux gens qui polluent pour qu’il le traite ainsi ? »

Elle se souvient d’une publicité en 2014 qui montrait un polynésien à cheval qui jetait une peau de banane par terre, puis, dans la séquence suivante, une polynésienne dans son 4×4 qui jetait sa canette par la fenêtre. Le geste est resté le même mais les objets, les éléments dans la main ont changé.

Avec le C.E.T. la Polynésie a eu un essor économique fulgurant et les polynésiens ont gardé les gestes mais n’ont pas compris que tous ces objets de confort modernes étaient polluants. Aujourd’hui elle constate cette rupture avec la terre de nos ancêtres, cette terre qui nous donne à manger et nous fait vivre. Cette terre qui mérite d’être aimée, choyée, respectée.

Sa dernière phrase sera pour sa terre d’accueil, et, en pleurant, elle conclut :

« Aue to’u ai’a nui e… A Tahiti na ia taua. » 

Laurent Lachiver
Rédacteur web

© Photos : Laurent Lachiver  – Laiza Pautehea

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