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Portrait

Tilda, présidente de l’association Tamarii Pointe des Pêcheurs

Publié le 24 mai 2019

Telle une princesse sur sa terre natale, Tilda Teharuru nous reçoit dans un cadre enchanteur du bord de mer de Punaauia, autour d’un délicieux smoothie maison carotte-pomme-citron. Celle qui est aujourd’hui la présidente de l’Association Tamarii Pointe des Pêcheurs, se confie à  Femmes de Polynésie.

La vue panoramique s’étend de l’ancien hôtel Méridien récemment rebaptisé, jusqu’au Musée des Îles. C’est face à un lagon calme, presque endormi, que nous rencontrons Tilda. Un lagon qui était beaucoup plus agité trois jours auparavant. Et c’est justement de ce lagon et de ce lieu, la pointe des pêcheurs, qu’il il va être question au cours de cette rencontre…

UNE ENFANT DE PUNAAUIA

Tilda est l’aînée d’une fratrie de six enfants, maman de deux filles et grand-mère de deux petites filles. Elle est née dans la propriété où nous nous trouvons, et y a passé son enfance, jusqu’à son mariage qui l’emmène à Paea. Elle fera toute sa carrière professionnelle dans une banque locale, avant de savourer sa retraite et s’engager autour de valeurs écologiques.

« Nos parents et grands-parents vivaient de la pêche et cet endroit est très poissonneux.»

L’association a été créée en 2008 par un groupe de pêcheurs. Car, pour la pêche au troca, le Service de la Pêche a exigé que les ramasseurs de trocas fassent partie d’une association. « Tamarii Pointe des Pêcheurs » était née sous la présidence de Paul PERE. À la fin de la période de pêche, l’association est restée en stand by jusqu’en 2010.

« En 2010, on décide que l’association s’occupera aussi d’environnement, aussi bien sur la mer que sur la terre ».

C’est par cet aspect écologique que « Tamarii Pointe des Pêcheurs » s’est fait connaître du grand public, avec notamment des opérations de nettoyage des plages ou de ramassage d’algues dans la mer – autant de choses nouvelles pour l’époque qui se sont généralisées depuis. Après dix ans de présidence, Paul PERE cède sa place à Tilda en 2018.

UN LIEU QU’ELLE CONNAIT COMME SA POCHE

Tilda raconte avec amour l’histoire de cette pointe. Notamment l’époque où il y avait du sable blanc, qui, avec les années, a été déplacé par les vagues jusqu’au PK18. L’époque aussi où il fallait sauter des branches des purau pour aller dans l’eau, car la plage de galets actuelle n’était pas encore formée.

Elle a très bien accueilli la construction de l’hôtel Méridien (récemment repris par la chaîne Sofitel) dont on aperçoit les bungalows sur pilotis depuis la plage, et se souvient des petits peapea fonciers de l’époque.

Elle regrette simplement que les entreprises qui rénovent les toitures des bungalows soient parfois négligentes et laissent partir à la dérive, sur le lagon, des débris de pandanus, comme, plus grave, des planches avec des clous risquant de blesser des baigneurs.

« Je suis plus critique envers les lotissements en hauteur comme Te Maru Ata, dont les déchets finissent forcément dans les rivières et dans le lagon. »

Les lotissements qui voient le jour à outrance, de plus en plus haut dans la montagne, Tilda ne les aime pas. Elle constate avec les années que l’on se dépêche de lotir, de construire des résidences, qui, souvent, deviennent inhabitables suite à des problèmes de conception…

LE RESPECT DU LAGON

Tilda connait parfaitement les règles en vigueur de la pêche. Et les pêcheurs aussi. Même avant l’installation de la ZPR (Zone de Pêche Règlementée), les pêcheurs de la pointe savaient ce qu’il fallait ou ne fallait pas pêcher.

Et quand un pêcheur ne respecte pas ces règles connues des habitants de la pointe, on va lui expliquer gentiment, pour faire de l’information. En ce moment, la pêche sous-marine nocturne au fusil est interdite, et Tilda a récemment expliqué cette consigne à des gens qui l’ignoraient.

« Il faut parler, expliquer, sans agressivité, et les gens comprennent. Car ce lieu est paisible et tout le monde sait qu’ici, il y a un mana. »

Un mana pour un lieu qui était jadis un marae, avec des cérémonies qui se déroulaient à la Pointe. Des légendes circulent aussi sur cet endroit, et l’association a édité en 2013 le recueil « Terre et mer », composé de 46 fiches dont la moitié traite de la mer, et l’autre moitié de la terre.

On y parle justement des légendes, des célèbres et valeureux porteurs d’oranges de la Commune, du surf avec le spot de Sapinus, de Gauguin qui a habité dans ce lieu, des espèces animales présentes dans le lagon,…

Un recueil qui mériterait d’être réédité et actualisé. Une fiche est notamment consacrée aux holothuries (rori) dont la pêche a été interdite, puis réglementée.

DES ATELIERS PÉDAGOGIQUES

L’association propose aussi des ateliers destinés aux familles, mais surtout aux écoles. Il y a un petit catalogue décrivant les activités disponibles, et il arrive qu’une classe de 30 élèves se répartisse à tour de rôle par groupes de 10 les trois ateliers proposés.

Des prestataires et des bénévoles animent ces ateliers. Une biologiste par exemple présente le corail et son fonctionnement, puis les enfants passent à la pratique avec du bouturage. Un partenariat tout récent vient d’être convenu avec l’association « un enfant, un arbre, un corail » de Jonathan Mc Kittrick (1) et doit être développé.

Pour l’avenir, Tilda émet des doutes sur la mobilisation des nouvelles générations par rapport aux questions environnementales. Elle ironise sur la dépendance des enfants qui sont, en général, plus accros aux tablettes, smartphones et jeux vidéo qu’aux questions écologiques. Selon elle, la responsabilisation personnelle se fait vers la quarantaine, quand les gens pensent à l’avenir de leurs enfants et à ce qu’ils leur laisseront sur ce fenua.

« Le premier geste éco-citoyen est individuel et commence par le tri des déchets »

Tout le monde sait que chez Tilda, on ne jette pas n’importe quoi, n’importe comment dans les poubelles. Y compris sur la plage quand elle repère des gens jetant des canettes et des papiers, elle va leur expliquer et leur faire poliment la leçon.

Si elle ne fait pas de compost, en revanche elle nettoie régulièrement sa cour et met systématiquement les feuilles ramassées et broyées dans des pots pour nourrir ses plantes.
Et pour sa consommation, Tilda bannit les boîtes de conserve et privilégie le poisson et les légumes locaux, le ‘uru en particulier.

« Ça ne me gênerait pas de manger du poisson tous les jours ! »

Le soleil se couche sur le lagon calme quand nous terminons l’entretien avec Tilda, avec cette impression de sérénité que dégage cette femme qui règne paisiblement sur sa terre, qu’elle aime et qu’elle partage avec générosité au travers de ses traditions et de ses actions.

(1) voir portrait dans HOMMES DE POLYNÉSIE Jonathan Mc Kittrick

Laurent Lachiver
Rédacteur web

© Photos : Laurent Lachiver, Tilda Teharuru

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