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    Mode & Beauté

    Cattleya, pour une mode plus éthique

    Publié le 2 janvier 2019

    Née d’une mère polynésienne et d’un père français, Cattleya Maléjac a quitté Tahiti pour la métropole. En 2017, elle a co-fondé Poétique Paris, une marque de prêt-à-porter éthique et respectueuse des animaux, qui propose des classiques inspirés du cuir dans des matières synthétiques et végétales. Femmes de Polynésie s’est penché sur son histoire.

    Arrivée à Tahiti à l’âge de 2 ans, Cattleya y a grandi jusqu’à ses 15 ans avant de partir s’installer en France avec son père. Sa mère, Polynésienne, étant restée vivre au fenua, elle rentrait régulièrement au Pays la voir.

    Après des études entre Paris et Reims, un master Grande Ecole, et 4 mois au Brésil -où il y a plein de similarités avec Tahiti : la culture du surf, de la fête, du partage… ” explique Cattleya, la jeune fille rentre alors dans la vie active.

    Suite à une première expérience dans le luxe peu concluante, elle se dirige en 2014 vers la publicité digitale :

    “l’environnement me plaisait et cela laissait une petite part à la créativité”.

    C’est dans son travail que Cattleya rencontre celle qui est aujourd’hui devenue son associée, Pauline Weinmann :

    “On s’est retrouvées sur les questions de respect de l’environnement social et animal, et de l’envie d’esthétisme”.

    Pendant deux ans et demi, elles ont ainsi travaillé ensemble, et mûri en parallèle le projet de lancer leur marque de prêt-à-porter. Et pas n’importe quelle marque, mais une marque éthique et respectueuse de l’environnement, des animaux, des hommes.

    “J’ai grandi dans une famille où on m’a appris le respect de la nature, des autres… et l’amour des belles choses. J’aimais les vêtements, le tombé, les couleurs” confie Cattleya.

    C’est après la tragédie du Rana Plazza en 2013 (effondrement d’un immeuble en Inde qui abritait plusieurs ateliers de confection travaillant pour des marques internationales, et causant la mort de plus de 1 100 ouvriers), qu’elle a le déclic :

    “je me suis dit que la mode, c’était quelque chose de joyeux, de beau, et que ce n’était pas nécessaire de sacrifier le bien-être d’autres humains ou animaux pour se faire plaisir”.

    Un goût pour la nature et la mode qu’elle a également développé via son autre passion, la danse :

    “J’adore créer mes costumes, trouver le bon tissu, faire les bonnes associations…”.

     

    Avec Pauline, Cattleya réalise qu’il n’y a pas de marques qui proposent des alternatives au cuir :

    « il y avait d’un côté H&M et Zara qui font des choses pas chères mais dans des conditions tout sauf respectueuses, et de l’autre côté, des créateurs plus engagés comme Stella McCartney mais avec des prix peu abordables pour nous. Il n’y avait rien au milieu”.

    Armées de ce constat et d’une étude de marché, les jeunes femmes ont alors entamé des recherches de matières :

    “on est allées voir des fournisseurs qui ne travaillaient pas pour l’industrie textile et on a fait des tests avec eux”.

    “Il y a deux choses que l’on ne peut pas se passer dans la vie : manger et s’habiller”

    Elles admettent s’être basées sur leurs intuitions pour se lancer dans l’aventure :

    “les gens deviennent flexitariens : ils font de plus en plus attention à leur alimentation, ils essaient de manger plus sain, de manger des choses de saison, pour avoir moins d’impact environnemental. On s’est dit que les vêtements, c’était la prochaine étape. Car il y a deux choses que l’on ne peut pas se passer dans la vie : manger et s’habiller. On était persuadées que ça allait être l’avenir”.

    Leur intuition avait effectivement du bon puisqu’une récente étude réalisée dans 5 pays européens indique que 38% des gens se posent des questions sociales et environnementales avant d’acheter un vêtement :

    “Cela prend actuellement des proportions énormes en Europe. Il y a une éducation à faire sur les matières. Le faux est souvent perçu comme non noble, comme la fausse fourrure. Mais cette image est en train de changer. On le voit avec les grandes marques qui abandonnent la fourrure. Et le cuir au fond, c’est comme la fourrure, c’est de la peau”.

    Le cuir, une industrie particulièrement cruelle et polluante que dénonce Cattleya.

     

    Quant à leur manque de compétences dans le métier du prêt-à-porter, la jeune femme de 27 ans explique que cela n’a pas été un frein, bien au contraire :

    “on s’est lancées sans préjugés, on voulait essayer même quand un fournisseur nous disait que tel tissu n’était pas vendu pour la mode. Je pense que quand on croit vraiment au bien fondé de son projet et à sa viabilité, on donne tout ce qu’on a”.

    Ce qui était plus compliqué en revanche, c’était de se lancer dans le milieu de la mode à Paris :

    “Il y a tout le temps de nouveaux créateurs. Ce n’est pas simple car on se heurte à plein de petits problèmes : les gens sont très secrets sur qui fournit, qui fabrique… Il faut tout trouver par soi-même quand on n’a pas le carnet d’adresses. Pour tirer notre épingle du jeu, on avait l’avantage d’arriver avec un concept innovant. On a donc pu attirer l’attention, et par le bouche-à-oreille, on a réussi à trouver des gens pour nous accompagner, notamment sur des compétences que l’on n’avait pas comme le patronnage, le prototypage ou le modélisme”.

    Une fois les prototypes validés, les tests de résistance, d’érosion ou encore d’imperméabilité des fournisseurs effectués, les deux associées lancent en 2017 une campagne de crowdfunding et atteignent 150% de l’objectif fixé soit près de 10 000 euros récoltés :

    “c’était un mélange de précommandes, de goodies et de soutiens financiers. Cela nous a encore plus conforté dans l’idée de nous lancer”.

    Le déclic pour se lancer pour de bon, elles l’ont fin décembre 2017, lorsqu’elles sont acceptées pour 6 mois au programme ADN_xIFM à Station F, l’un des plus grands incubateurs de start-ups d’Europe :

    “C’est une collaboration entre l’Institut Français de la Mode, et Creative Valley, qui est plus sur la tech. lls cherchaient à réunir des start-ups qui avaient pour ambition de faire soit de la mode innovante, soit de la tech dans la mode”.

    Elles décident de quitter leur travail et de se lancer corps et âmes dans la grande aventure éthique de Poétique Paris. Une marque cruelty free 100% vegan, respectueuse de A à Z :

    “on utilise des matières responsables, on fait fabriquer en France dans un atelier social qui aide les femmes à se réinsérer dans la vie active à Calais, et dans un atelier éco-responsable en Île-de-France qui fait du surcyclage”.

    Faire du beau tout en faisant du bien

    Pas de cuir d’animaux donc pour leur perfecto, mais de l’ « apple skin » (cuir de pomme). Un cuir “vegan” fait à partir de déchets de pommes issus d’une usine de jus de fruits qui sont collectés en Italie, et qui vont être séchés et intégrés dans une résine coagulée pour faire la matière finale. Pour leur veste teddy en “faux” daim, c’est du “daim de coton” fait à partir de déchets céréaliers et d’un mélange de coton et polyester :

    “Souvent, on nous dit que le polyester, c’est pas top… Mais on ne travaille qu’avec des fournisseurs qui ont une démarche responsable. Ils vont recycler les solvants qu’ils utilisent, ils ne les rejettent pas dans la nature, cela reste en circuit fermé. On travaille aussi sur d’autres matières en voie de développement, cela va être biosourcé avec des solvants à base d’eau” explique Cattleya.

    “On est train de voir pour faire des doublures en plastique recyclé récolté dans les mers et les océans”

    Les doublures sont en satin, et le coton est bio.

    “On veut prolonger la fin de vie du produit. Quand il est usé, on essaie de voir si on peut remplacer les doublures par une autre car c’est ce qui s’abîme en premier. On est train de démarcher nos fournisseurs pour faire nos doublures en plastique recyclé récolté dans les mers et les océans. C’est pour cela que l’on fait des classiques du prêt-à-porter : on veut des vêtements qu’on va garder et qui ne vont pas forcément suivre une tendance”.

    Pauline et Cattleya travaillent avec un bureau de style qui les accompagne dans le développement de leurs collections :

    “on arrive avec nos idées et ils nous disent ce qui est faisable ou non”.

    Elles s’apprêtent à sortir dans les prochains mois leur troisième collection qui comprendra même une veste homme. Elles ont un e-shop et aimeraient bien avoir leur showroom d’ici 4 ans, et pourquoi pas, lancer une collection capsule pour valoriser le patrimoine polynésien en utilisant des tissus locaux avec des imprimés faits à Tahiti :

    “et on aimerait voir si on peut utiliser des végétaux de Polynésie pour faire des vêtements”.

    Et pour ceux qui hésitent à se lancer dans l’entreprenariat, Cattleya admet qu’être à deux, ça joue beaucoup :

    “On se porte, on se motive mutuellement. Et on sent qu’on a plus de comptes à rendre”.

    Elle conseille de s’écouter et d’être bien entouré aussi bien des proches pour le soutien quotidien que ceux qui vont nous conseiller”, et de ne pas hésiter à demander un coup de main voire quand on le peut, payer des gens qui sont spécialisés dans certains domaines comme le juridique ou l’administratif :

    Au début, on essaie de tout faire car on n’a pas de sous, mais peu à peu, on apprend à optimiser son temps, à mieux s’organiser…”.

    La prochaine étape pour Poétique Paris ? La French Fashion Week à New York en septembre 2019.

    Plus d’informations

    Site internet : https://poetique-paris.com (livraison possible en Polynésie)

    Page Facebook : https://www.facebook.com/poetiqueparis/

    Noémie Schetrit 
    Rédactrice web

    © Photos :  Noémie Schetrit, Cattleya Maléjac, Suki Stuart, Marutea Duclerc, Guillaume El Kasri

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